Published: Apr 07, 2024
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Category: People & Blogs
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[Musique] [Musique] bonsoir à tous merci d'être là nombreux bonsoir àisénitaire merci pour cette lecture et pour la primeur de cet extrait du roman qui va paraître prochainement je suis très heureuse de vous retrouver pour cette conversation quelques mots pour vous présenter vous avez publié votre premier roman à 16 ans en suivi jusque dans nos bras sombre di et puis l'art de perdre en 2017 chez flamarion qui a connu un formidable succès ces dernières années vous vous êtes plongé dans une réflexion passionnante sur la fiction sur ses pouvoirs ses limites ses impensées votre lien tout à fait singulier à elle au personnag que vous voulez absolument sauver d'un 20e siècle qui a voulu s'en débarrasser on trouve trace de cette réflexion en filigrane de votre dernier roman paru comme un empire dans dans un empire c'était en 2020 et plus directement dans la création cette même année d'un seul en scène je suis une fille sans histoire qui a connu plus de 100 représentations le texte apparu aux éditions de l'arche en 2021 et on retrouve cette réflexion dans toute une moitié du Monde paru en 2022 toujours chez flamarion et dans ces deux derniers textes vous explorer la matière même de votre vie de lectrice d'autrice la fiction et vous vous interrogez sur les représ présentation qu'elle qu'elle charie sur les schémas qu'elle entretient depuis très longtemps et il s'agit finalement de dessiller un peu notre notre regard et il existe des armes pour cela vous en faites le trafic et de comprendre finalement on en reparlera un petit peu à quel point les histoires nous constituent pour le meilleur et pour le pire aussi cette autre moitié du monde bien sûr ce sont les femmes euh vous parlez de leur présence bien sûr dans la littérature mais aussi dans le monde littéraire parlez aussi des des autrices je précise aussi que vous Erez au Théâtre du côté de la dramaturgie et de la mise en scène au sein de votre compagnie l'entente cordial vous avez travaillé à une réécriture de Martin Eden qui sera donné euh à lacrier mais avant à Valence qui sera créé à Valence puis donné à lacrier à Marseille vous êtes artiste associé ça sera la saison la saison prochaine et vous avez écrit et réalisé euh avec benoî volnet votre premier film avant l'effondrement qui était sorti l'année dernière euh nous allons repartir de ce que nous venons d'entendre je n'en sais pas plus que vous j'ai lu ces pages cette semaine on comprend qu'il s'agit donc d'une jeune femme qui rentre en Nouvelle-Calédonie après une rupture après avoir passé 10 ans en métropole on entend l'ampleur du voyage on entend la question des origines ce nom Nouvelle-Calédonie qui est déplié plus par les autres que par elle à coup on l'a entendu finalement de d'imprécision de préjugés de de raccourcis on entend la question de la mémoire familiale de ses archives manquantes et on entend un territoire qui nous est décrit et aussi l'histoire de de ce territoire est-ce que vous pouvez nous en dire plus sur ce projet romanesque de quoi s'agit-il comment en tant qu'autrce vous vous êtes arrivé en Nouvelle-Calédonie euh oui euh je vous demanderai en revanche de l'oublier entre aujourd'hui et les les les et les mois qui nous séparent de la de la sortie du livre parce que forcément ça va ça va ah vous révéler des choses anticiper un peu le le le le déroulement du du livre en fait ce qui m'a amené ce qui m'a amené en Nouvelle-Calédonie ce qui m'a amené à à écrire sur sur Nouvelle-Calédonie c'est l'Algérie euh curieusement parce que euh la la première fois que je me suis rendue en Nouvelle-Calédonie il y a il y a 5 ans maintenant euh pour le le le silo le salon itinérant du du livre océanien euh donc je je je venais de publier l'art de perdre et j'ai rencontré en fait là-bas des des hommes et des femmes qui euh qui venait me dire que peut-être on était cousin et la proposition me semblait absurde je voyais pas je voyais pas pourquoi j'aurais des cousins à à 20000 km de de chez moi euh et petit à petit j'ai j'ai réussi à à à comprendre cette chose que que je savais pas que j'avais jamais entendu avant à savoir qu'en fait un certain nombre d'hommes algériens ont été déportés et transporté au bagne de Nouvelle-Calédonie à la pendant la 2uxème moitié du du 19e siècle et jusqu'au au début du du 20e on parle d'à peu près 2000 hommes et en fait euh beaucoup de beaucoup de ces hommes étaient beaucoup de ces hommes étaient étaient kabil et quand quand je suis repartie un historien du du bagne euh que j'avais rencontré pendant ce séjour louis- José Barbançon m'a donné un livre euh sur ce qu'on appelle les Arabes de Calédonie quand bien même donc ces arabes sont Kabiles h et à la fin de ce livre il y a une il y a une liste avec euh avec les noms des des 216 personnes qui ont été qui ont été envoyé au bagne euh il y a aussi des des Marocains et des Tunisiens mais le le l'écrasante majorité d'entre eux ce ce sont des des Algériens et quand je quand je consulter cette cette liste je me faisais la la réflexion qu'en fait il y a beaucoup de ces hommes qui viennent en effet de villages qui sont pas ceux de ma famille mais qui sont situés pas très loin et et la pensée m'est venue que dans un dans un cadre de de colonisation être arrêté et condamné aux travaux forcés par la justice coloniale c'est quelque chose qui se produit assez facilement et que et que donc si ces hommes dont je lisais les noms qui venaient du village voisin ou du village en bas de la vallée s'étaiit retrouvés s'était retrouvé envoyé en Nouvelle-Calédonie ça aurait pu aussi arriver à mes ancêtres et que et que ce ce petit rien de différence de se dire ils ont arrêté un homme du village voisin ils auraiit pu possiblement arrêter un homme là cette cette minuscule différence à la base elle aboutissait à des destins qui étaient qui étaient pour le coup rad ement différent sur des territoires qui n'avaient rien à voir et à force de voilà à force de penser à ça je je j'ai été prise d'une sorte de vertige qui d'abord m'a poussé à à lire tout ce que je pouvais trouver sur sur le sujet déjà se poser la question de pourquoi est-ce qu'on crée un bagne à 20000 km à 20000 km de la France à quel moment on s'est dit c'est une bonne idée euh voilà quelle quelle logistique se met en place pour pour faire ça et et quelle étrange balai colonial aussi est établi qui fait que on arrête ici des gens qui se révoltent contre différentes phases de colonisation et on les envoie sur un territoire qui a été colonisé un peu plus tard et et il faut que je m'arrête sinon je vais tout vous raconter mais disons disons que une des choses qui est fascinante c'est que des gens qui en Algérie étaient consid consid comme des indigènes comme des non blancs et comme des non français et possiblement du coup comme des non humains ou comme des humains moindres dans le cadre d'une colonie pacifique qui voulait se devenir la plus blanche possible ont été identifié comme des blancs et comme des Français contre la population indigène Canac ce qui fait que les gens qui étaient les colonisés ici ont pu devenir les colonisateurs là-bas et notamment les Arabes ont été enrôlés à plusieurs reprises par l'armée française pour matterer les rebelles canak et ils l'ont fait euh et c'est voilà je je pense que c'est c'est quelque chose qui c'est quelque chose qui me fait tellement mal euh que que j'ai eu besoin de comprendre comment comment elle était possible en fait cette inversion des hiérarchies coloniales et toute cette toute cette dynamique tout ce système mis en place par par l'Empire et qui crée ces ces rapports entre les différentes populations dans dans l'extrait on entend aussi la question de de l'histoire officielle de la mémoire familiale des trous dans dans dans cette histoire là de la diversité des des versions données par la famille de TASS il y a une question de génération aussi celle qui posé questions celle qui a gardé le silence et bien sûr on pense on pense à à votre travail dans dans dans l'art de perdre euh est-ce que vous avez eu l'impression finalement de poursuivre cette entreprise euh comme s'il y avait quelque chose qui n'était pas achevé ou finalement les les deux livres se distinguent complètement euh je pense qu'ils peuvent voyager ensemble et et d'une d'une certaine manière euh je pense ça je enfin je pense que ce livre- là il a euh il a aussi la la forme qu'il qu'il a parce que je pouvais pas refaire l'art de perdre euh alors que alors que finalement les trois parties et les trois générations ça aurait été quelque chose ça aurait été quelque chose d'assez pratique euh pour moi et j'ai eu cette voilà cette conversation absurde avec avec mon éditrice où je lui disais je suis en train vraiment de me casser la tête pour pas faire trois parties et elle me me disait bah pourquoi tu ferais pas trois parties je dis bah Alix parce que je l'ai déjà fait euh et que et que autant il y a certains de mes livres qui sont un peu plus discrets dans dans ce que j'ai publié et peut-être je pourrais reprendre des formats je pourrais reprendre des des des techniques de narration et ce serait pas trop voyant autant celui-là c'est pour le pire et le meilleur mon tube et donc je pense que si je fais une sorte d'art de perdre bis mais dans le Pacifique ça se voit euh mais oui oui c'est vrai que oui j'ai c'est c'est des c'est des obsessions euh même quand je me dis même quand je me dis que je le je je le referai plus euh qui qui reviennent la la la question dont les mémoires intimes et les et les mémoires à l'échelle d'un d'un territoire et de et de plusieurs enfin et même de voilà de plusieurs échelles de de territoirees parce que là on parle on parle à la fois de de de l'échelle de de l'île ou de l'archipel et puis de l'ampleur de de l'empire colonial totalement déraisonnable et donc comment ça et voilà comment ça et les liens les plus et les plus intimes s'articulent se transmettent parfois parfois se gangrainent parfois sont enterrés renaissent plus tard et ça aussi c'est quelque chose ça aussi c'est c'est c'est voilà c'est c'est quelque chose que je trouve assez fascinant sur le le territoire calédonien c'est que le le l'affirmation de certaines mémoires est né aussi euh euh en même temps qu'un qu'un renouveau politique euh et je trouve ça je trouve ça fou à à étudier enfin de de euh de de se dire que euh oui que toutes les échelles se se confondent euh et euh et c'est pareil enfin après l'art de perdre je m'étais dit que j'allais probablement plus jamais écrire sur l'Algérie parce qu'après les gens me parlaient que de ça euh alors queH j'avais mis autres centre d'intérêt euh et d'une certaine manière ça ça m'est retombé dessus enfin je je quand quand j'ai commencé à m'intéressé à l'histoire des Arabes de khedoun c'est je m'étais dit je vais surtout pas écrire dessus il est hors de question que j'écrive dessus et puis d'abord et puis d'abord c'est un territoire que je connais très mal et puis et en fait et en fait ça reste pendant des mois ça commence à faire ça commence à à faire des petites musiques de fiction et si mais si imagine et là en fait imagine le type il euh et et et du coup un siècle et demi après ça donne et bon et au bout d'un moment on dit bon ok d'accord euh allez est-ce que pour quand même parler de votre tube donc l'art de perd euh est-ce que et excusez-moi la simplicité de la question mais est-ce que vous avez compris ce qui s'était passé avec ce livre il est paru il y a 7 ans est-ce que le le le recul de ces 7 ans vous a appris quelque chose sur à la fois ce que vous aviez fait la façon dont il avait été reçu la société dans laquelle il avait été reçu ou est-ce que vous voulez pas vous poser cette question vous écrivez mais ça a été une telle onde quand même ce ce roman en fait je suis probablement pas la meilleure juge euh mais pendant que j'étais en train de l'écrire moi je trouvais que déjà dans mon écriture j'avais j'avais atteint un palier euh et donc et et et que j'avais gagné une sorte de de souplesse dans mon écriture que j' arrivaé sans peine à faire des choses qui m'étaient qui m'étaient plus difficile avant et donc et donc je l'ai écrit avec avec avec cette espèce de fièvre là euh de de de me dire voilà cette exaltation là de me dire ça y est c'est comme si j'arrivais à toucher mes pieds quoi j'ai une souplesse euh que que j'avais pas avant et euh euh et donc quand euh quand les premiers retours ont commencé à arriver avant même la sortie du livre en fait des retour de libraire ou de journalistes qui avaient le le livre et qui était qui était très positif euh je me suis dit ah c'est chouette les gens voient aussi que j'ai progressé mais c'était pas ça du tout ce qui s'est passé euh c'est pas du tout la raison la raison du succès du livre euh en fait il y en a plein euh il s'est il s'est joué beaucoup de choses il s'est joué le fait que euh que il y avait pas tellement en fait de de romans classé en en littérature de choses voilà classé en littérature pas en témoignage qui racontait la vie de euh de ceux qu'on appelait les indigènes à à l'époque de l'Algérie française des livres sur sur l'Algérie française et sur la guerre d'Algérie il y en il y en a beaucoup mais c'est beaucoup une littérature Piednoir eu et donc bah pour pour une partie de pour une partie des des gens concernés et en fait en France il y en a énormément il manquait une représentation d'une immense partie de la population qui avait qui avait traversé cette colonisation française cette guerre d'indépendance et puis et puis les années les années d'immigration aussi et en fait ce à quoi je m'attendais pas du tout c'est que cette chose particulière qui est de raconter la vie de la famille d'un homme qui est considéré comme archi ça allait recouper aussi des trajectoires d'immigration qui sont absolument pas lié à ce type de profil d'immigration de de travailleurs d'immigration d'immigration familiale mais que voilà que beaucoup de de lecteurs et lect ce euh et même pas uniquement d'origine algérienne mais trouver dans dans cette histoire d'émigration et d'immigration des choses qui leur rappelaient l'histoire de leur famille et et c'est vrai que ça m'est arrivé de assez souvent qu'on me dise c'est mon histoire et qu'on me parle de complètement autre chose et ça c'était encore plus fou quand le livre il a été traduit il a été traduit dans dans dans plus d'une quinzaine de langues et euh et pour les les pour une partie de de de ces ces territoires pour les les pays les plus proches et avant que le covid ferme les frontières j'ai fait j'ai j'ai sillonn en train une partie de l'Europe au fil des des des traductions et là du coup les gens me disaient ça me rappelle tellement mon histoire et on me parlant de migration que je ne connais absolument pas c'est-à-dire ma famille est polonaise et on est venu en Allemagne ou même des des choses auxquelles j'avais jamais pensé comme des migrations c'est-à-dire on est des Allemands de l'Est et on est arrivé en Allemagne de l'Ouest euh et c'est les mêmes voilà c'est les mêmes processus c'est la même honte sur l'accent c'est la même honte sur le j'avais honte des vêtements de mes parents j'avais euh et et donc voilà tout le monde déployait des histoires euh que j'avais jamais imaginé voir rattaché à à celle-là euh et et puis après je crois que je crois que le monde de la littérature française aime bien les livres à sujet euh de de toute façon parce que ça fait euh ça fait en plus du travail littéraire une sorte de travail de société qui peut pas être pris en charge toujours par l'éducation national qui a tant de choses à enseigner et si peu d'heur pour le faire et donc bah finalement quand la quand la littérature prend ça en charge c'est c'est pratique pour pour beaucoup de gens mais mais parfois encore en fait parfois voilà parfois même si je je m'explique le l'écho du livre par par 1000 raisons parfois j'ai PE à nouveau de me dire peut-être qu'il a marché parce que celui-là je l'ai bien écrit et maintenant je sais plus le faire et donc il m'arrive d'aller reprendre le livre un peu en cachette pour relire des bouts et me dire non c'est pas si bien que ça c'est c'est c'est c'est pas une sorte de de moment exceptionnel de mon écriture qui est qui est perdue à tout jamais euh c'est voilà c'est c'est beaucoup d'autres facteurs et donc j'ai pas à m'inquiéter de ça je peux juste continuer à écrire euh je je rebandis sur sur ce ce motif de voilà de l'immigration l'immigration de des trajectoires c'est présent dans l'extrait que qu'on a entendu ces 20000 km qui tenait la modernité technologique en respect et on sent en même temps que l'ampleur de ce voyage pour TASS ne se trouve pas tout à fait là finalement euh et ça aussi j'ai l'impression que c'était présent dans dans l'art de perdre puisqu'il y avait beaucoup de traversé enfin beaucoup plusieurs traversai dans un sens dans un autre et que là aussi le temps de s'est traverser n'avait aucun rapport avec la distance géographique concrète c'était des kilomètres euh de les kilomètres de la perte de de l'attente d'un retour les kilomètres de des retrouvailles c'était des des regards des des paysages qu' qu'on se met ou pas dans dans la poche c'est un peu comme quand on dit la la la température réelle et la température ressentie euh est-ce que vous pouvez revenir sur ce motif de de de la traversée qui semble très très fécond pour pour vous je pense à je vais pas y répondre de de manière très littéraire je je vais y répondre par par une anecdote mais je je pense que j'ai ressenti cette euh cette relativité de laal de l'importance des des voyages la première fois que je suis allée en Algérie et j'y suis allée en bateau en partie parce que en partie parce que ma famille était partie en bateau et en partie aussi je crois parce que j'avais peur d'y arriver trop vite je voulais prendre le temps et d'une certaine manière je voulais le retarder encore ce voyage j'ai failli l'annuler 20 fois en fait avant de avant de me décider à à monter sur le bateau et donc ça m'allait que ça dure des heures et des heures et des heures et que Alger soit pas là tout de suite et et quand quand à l'aube euh le le bateau est arrivé en en vue des côtes euh on était on était évidemment beaucoup de passagers à sortir sur le pont après une nuit de navigation effroyable il y avait de la houle alors les gens vomissaient partout dans les couloirs et tout ça les gens se tenaient péniblement aux rampes enfin on avait l'impression de d'avoir survécu à une apocalypse comme ça de une épidémie de zombie et puis là vraiment il y a cette chose formidable quoi la la mer se calme le soleil se lève et algé la blanche apparaît euh en en vue et donc voilà les les passagers sortent euh et eu et moi je suis vraiment je suis vraiment avec une une sorte de caméra intérieure braquée sur moi en train de me dire qu'est-ce que tu ressens qu'est-ce que tu ressens qu'est-ce que ça te fait il faut que ça te fasse quelque chose ça peut pas rien te faire et à côté de moi il y a un gamin qui doit avoir 4 ans qui est là avec ses parents qui sort qui jette un œil à la ville et qui fait ah c'est ça l'Algérie bah c'est tout petit et qui rentre dans le bateau et je me dis bah oui en fait mais si moi aussi j'avais si moi aussi j'avais fait ce voyage dès mon plus jeune âge si ce voyage ça avait été une si ça avait juste été un transport en fait bah j'aurais la même réaction ce serait ce serait aussi simple alors que pour moi ce voyage en fait il dure depuis 1962 c'est c'est une ouais c'est une sorte de de de très très longue question qui pourra trouver sa réponse et qui est qu'est-ce qui va se passer mais dans tous les sens c'est-à-dire c'est-à-dire est-ce que comme le crois mon père je vais me faire égorger quand je vais monter au village parce que on considère que je suis la petite fille d'un traître est-ce que est-ce que on va m'interdire euh est-ce queon va m'interdire le le passage de la douane parce que au consulat en fait ils se sont fait avoir mais peut-être à la douan ils ont une liste noire et il y a le le nom de mon grand-père dessus et tout va se mettre à sonner et on me jettera à l'eau euh est-ce que euh est-ce que voilà il y a ce ce cet espoir un peu fou que j'ai prêté aussi à Naima est-ce que quelque chose de chimique va se passer en moi au moment où mon pied foule le sol algérien et tout à coup les langues arabes et kabil que je n'ai jamais parler comme les langues de feu à la bandte côte vont à vont se réveiller et je me dirais genre mais bien sûr je viens d'ici ceci en arabe et en Kaby plus en français et du coup voilà le le le voyage c'est pas 20h c'est pas c'est c'est presque 60 ans euh et et pour et pour cet enfant ben le voyage c'est juste un voyage il est trop long et le pays d'arrivée il est pas si ouf pour pour un voy voyage trop long et j'ai envié cet enfant en me disant parfois c'est bien quand les voyages sont aussi juste des tragets on entendait dans dans dans l'extrait cette phrase au commencement de leur famille il n'y avait rien ça a duré plutôt longtemps et puis le verbe est venu mais trop tard pour raconter ce qui était vraiment intéressant ça m'a fait penser à une autre phrase que vous avez prononcé à Montauban aux lettres d'automne vous disiez pendant très longtemps j'ai cru à la transmission familiale je me disais quand otant sur le silence un petit coup de question têttu la vitre allait bien finir par se fêler et que le récit allait me parvenir donc on sait qu'il y a eu contournement ce qui est étrange c'est que quand j'ai relu l'art de perdre parce Queen fait c'est c'est un livre qui est difficile à reparcourir on est quand même appé par le par les par les pages c'est assez c'est assez fort de ce côté-là ce qui m'a ce que j'ai retenu oui c'est pas tant cette question finalement de la transmission qui est quand même au cœur de du du du livre par ailleurs mais c'est plus tous ces moments où vos personnages se racontent à eux-mêmes ce qui est en train de se passer se racontte à d'autres moments leur passé se raconte leur choix leur enfance leur pays ces moments entre eux et eux alors bien sûr il y a parfois le le justement le regard extérieur qui vient un peu faire qu'il se débatent aussi qu'il y a une espèce de confrontation est-ce que c'est aussi quelque chose qui est important pour vous quand quon vous avez construit quand vous construisez peut-être encore ces ces personnages finalement la façon dont ils se racontent pour pour eux-même aussi avant d'être dans la confrontation avec les les autres avec les autres récits ouais je pense que c'est c'est une une une mise en abîme qui m'intéresse beaucoup dans dans l'écriture au sens où je suis en train de créer des personnages et d'essayer de les raconter tout en sachant ou peut-être que je généralise une une chose à à qui m'est personnel et que vous allez penser que pas du tout n'importe quoi mais je crois quand même c'est c'est plus c'est plus partagé que strictement individuel le fait qu'on peut en effet se raconter à à soi-même et que et que cette histoire là elle a une elle a une certaine plasticité c'est-à-dire elle peut changer on peut se raconter de manière différentes et donc j'essaie de garder ça tout le temps quand je crée un personnage de me dire mais je peux pas je peux pas dire ce personnage est ceci ou cela avec deux adjectifs et puis et puis on tient quelque chose parce que ce personnage là se raconte probablement qu'il est autre chose ce personnage là essaie de se convaincre qu'il a raison dans les moments où possiblement une voix intérieure lui raconte une autre histoire qui est qu'il a tort qui s'ent tête qu'il est en train de de de prendre une position pour pour des des mauvaises raisons et c'est vrai que c'est quelque chose que j'aime bien faire jusque dans les jusque dans les parfois jusque dans les plus petits détails je pense notamment à à cette scène dans la deuxième partie où Ali sort du du à mode forestage il va jusqu'à jou pour pour prendre une bière dans le dans le bar et et le le barman refuse de le servir h et euh et et l'insulte euh en fait et et j'écrivais cette j'écrivais cette scène qui était par enfin qui était une scène qui m'avait qui m'avait été racontée euh assez brièvement par par un un fils de harky que que j'avais rencontré pendant un autre voyage euh et donc qui m'avait qui m'avait dit en deux lignes une fois mon mon père un boutiquier a refusé de de de servir mon père et il a appelé la police et le flic qui est venu avait fait monter Cassino comme mon père et mon père portait ses médailles et donc en fait le flic l'a pas arrêté il a arrêté le boutiquier euh et et et cette scène là voilà je je savais que j'allais l'écrire et en fait et au moment où je je l'écrivais je me disais mais mais possiblement en fait le cafetier au moment où où il prononce une insulte raciste et où il menace d'appeler la police derrière et où il appelle la police il se dit qu'il est complètement con c'est enfin que c'est c'est je pense aussi une une part de moi veut croire qu' reste quand même quelque chose d'une humanité qui fait que ce racisme sans faille c'est une sorte de posture d'entêement mais qui a peut-être une petite voix qui sussure derrière est-ce que ça en vaut la peine est-ce que tu devrais pas juste euh est-ce que tu devrais pas juste arrêter alors je j'entends les non non non et en effet hier j'ai eu une rencontre extrêmement désagréable avec une lectrice raciste à la librairie où je faisais une intervention et je peux dire que si elle avait une petite voix qui lui disait d'arrêter de s'entêter à me vanter les bienfaits de la colonisation qui m'avait sauvé et avait permis que je sois élevée dans le creusé de la République et ben elle l'a pas écouté euh mais si j'écrivais cette interaction je serais quand même tenté de me dire que il y avait plusieurs voix dans cette femme et que il y aurait eu plusieurs issues possibles mais que c'est parce qu'elle a choisi celle-là que ça a été très désagréable mais oui oui voilà je je je pense que d'une d'une certaine manière c'est pas c'est pas chercher des excuses c'est que je crois que les êtres monobloc les êtres monobloc m'intéresse pas beaucoup et donc et donc je crée des des des sortes de petites poupées russes où je raconte l'histoire de gens qui se racontent des histoires et parfois dans les histoires qui se racontent il y a des gens qui racontent leur histoire de manière différente euh et et voilà je je le disais en introduction ces dernières années voilà vous avez fait paraître c'est ces deux livres je suis une fille sans histoire toute une moitié du monde sur les questions que pose la fiction aujourd'hui euh je rappelle que je suis une fille sans histoire c'était un seul en scène donc il y avait une vraie volonté de de prise de parole de de partage euh et je pense euh à la fin de ce de ce texte euh qui euh à la fin de ce t non à la fin de toute une moitié du monde euh il y a à la fin il y a quand même un un grand point d'interrogation qui est euh bon et maintenant on écrit quoi et comment et on sent quand même une certaine circonspection si ce n'est un désarroi à ce à ce moment-là donc la question fréent qu'on se pose c'est comment vous êtes retourné à l'écriture d'une fiction après cette réflexion dans laquelle encore une fois vous vous êtes vraiment considérablement investi en fait j'ai réalisé cette semaine dans les dans les différentes rencontres et les les interviews que j'ai faites que que pour pour beaucoup de personnes j'avais abandonné en fait laffiction enfin que j'avais arrêté et et quand je disais que bah non j'étais vraiment en train de de finir un roman et et pour moi ça a toujours enfin j'ai toujours su que j'allais y revenir d'une certaine manière c'était aussi me faire une clé de bras que de parler autant des nouvelles des nouvelles manières de raconter ou d'autres manière de raconter ou d'autres de de briser une certaine hiérarchie un certain système de valeur qui vient avec les les formes canoniques du du récit parce que si je disais que c'était plus possible euh de croire ou d'adhérer à l'ancienne manière forcément j'allais j'allais devoir chercher euh en en en retournant au au roman et j'ai pas encor j'ai pas encore toutes les réponses loin de là le le le désarroi à la fin de à la fin de toute une moitié du monde il est encore là mais pas pas comme quelque chose de triste ou de de pesant comme comme comme quelque chose qui dit on est à un moment on est un moment de de production quand même à pas forcément pas pas forcément entièrement nouvelle il y a des il y a des renouveaux de choses qui existaient déjà mais sur sur la la question de comment on pense le monde en s'articulant à d'autres formes de de vivant comment on pense à comment on pense nos ancrages dans des paysages comme autre chose que j'ai pas un arrière-plan je mets un paysage évidemment en terme de pensée féministe il y a aussi une une une publication d'ouvrage ou une republication d'anciens ouvrages C ces 10 dernières années qui font que j'ai accès à des à des manières politiques de de penser les choses qui que j'avais pas à ma disposition et donc ça aussi en fait ça ça change ça ça change ma ma manière ma manière d'écrire ce que je veux raconter de de de certaines place en société ou de de certains de certains rapports et c'est plutôt c'est plutôt excitant ce qui est terrible c'est de penser que malheureusement on aura peut-être pas les réponses avant d'être tous morts du réchauffement climatique et ça ça c'est rude mais les questions en elles-mêmes elles sont vachement belles euh et je et je comprends même pas qu'elle puisse je comprends même pas qu'elle puisse euh qu'elle puisse susciter en fait susciter du du mécontentement enfin quand quand je vois des des voilà quand je vois des gens qui disent oui mais pourquoi est-ce qu'on aurait à déconstruire ceci à détruire cela à proposer autre chose pasah parce que c'est beau parce que c'est enthousiasment ah parce que ça nous donne l'impression d'être vivant et qu'encore une fois on sera peut-être pas très longtemps parce qu'il y aura des plues acides euh et et ouais et et et c'était c'était joyeux pour moi de de retrouver en fait la fiction et d'avoir et d'avoir pris un temps où je pouvais me poser des questions sans avoir à à débloquer des réponses où je pouvais partager juste des questions et réfléchir aux manièrees dont les autres auteurs et autrices avaient pu me proposer des outils que j'allais utiliser au lieu de devoir moi créer quelque chose de pouvoir passer et transmettre les les textes des autres c'était c'était formidable de pouvoir faire ça mais clairement quand je finissais toute une moitié du monde il y avait une part de moi qui avait commencé déjà à écrire le roman qui n'a pas de nom calédonien et et j'avais hâte j'avais j'avais hâte de pouvoir me consacrer à nouveau à à la fiction je je je vous posais la question parce que ça m'a ça m'a rappelé ce que un éditeur l'éditeur de de vertical y pages avait pu dire d'un de ses auteurs Arnaud Bertina il disait que c'était un des rares auteurs qui connaissaiit à avoir un un métaadiscours donc voilà une vision comme de l'extérieur de son propre travail d'une grande lucidité et qu'il trouvait ça même assez inquiétant et il disait que cela pouvait à son avis parfois le l'encombrer mais voilà vous vous vous avez pas ce ce sentiment là peut-être il y a aussi quelque chose qui est qui est très beau dans toute une moitié du monde c'est que vous n'êtes vraiment pas seul dans ce livre j'ai peut-être que ça vient de là aussi c'est c'est pas une réflexion solitaire en fait vous avez des alliés euh vous avez des collègues peut-être que ça vient de là cette cette absence de de pression comme ça oui parce que ça aussi euh finalement ça aussi si on fait tout le temps du méta après on se perè et j'espère ne pas vous perdre mais euh là encore la question de la forme des récits elle est très importante sur ce point-là parce que si on adhère au récit du selfm Man au récit qui qui est-ce que dans dans toute une moitié monde j'appelle la parade virile en reprenant l'expression de Julia carerninon la parade virile des écrivains on oublie à quel point chaque livre est un livre de dette à quel point en fait on est on écrit toujours en palimpsest en fait avec avec les les bibliothèque qui nous habite et avec donc ça c'est pour une transmission qui viendrait du passé mais aussi avec quelque chose de plus horizontal qui est que sont en train de faire les les auteurs et autrices qui sont à côté de nous et qui du coup se pose les questions d'une même époque et comment est-ce qu'il ou elle il répondent et c'est un c'est un compagnonnage qui est absolument fantastique et c'est vrai oui que j'avance j'avance pas seul parce que mon imaginaire littéraire il est à la fois peuplé des personnages et des et des auteurs et autrices ou de leur ou de de de leur technique et pour pour revenir à Arnaud Bertina qui fait partie des gens que je cite dans toute une moitié du monde je sais pas si ça l'encombre à titre personnel et et et si euh euh et si il en souffre mais de manière très égoïste comme lectrice euh bah s'il pouvait continuer à porter un peu le fardeau et à écrire comme il fait euh ben ça me va euh parce que euh euh parce que je pense que euh certains de ces livres sont des anomalies splendide euh et je pense notamment à l'âge de la première passe donc qui est euh euh qui est la nonfiction littéraire qui est qui est vraiment qui est vraiment un un couteau quoi euh o où j'ai l'impression que tout est voilà que tout est juste est asserré et et et et tout du coup tout atteint en plein cœur aussi et et sur un point de vue enfin une une œuvre d'une nature totalement opposée et là j'ai oublié le nom son roman complètement fou sur fedérire je suis une aventure je suis une aventure voilà je suis une aventure je sais pas si vous avez lu ce ce livre ouais ceux et celles qui ne l'ont pas lu lisez-le lisez aussi l'âge de la première passe lisez Arnaud Bertina je suis une aventure c'est un livre qui n'existe nulle part ailleurs c'est-à-dire c'est une sorte de liberté avec la fiction qui transforme en personnage délibérément de fiction une figure publique qui est connue mais quand quand vous lisez le livre vous enfin vous c'est à la fois ce que vous connaissez de la figure et le personnage complètement fou quand on fait Arnaud Bertina qui se balade voilà Roger Federer se balade notamment avec un sac de linchâ qui parle donc en fait la question de est-ce un documentaire sur le tennis se pose pas très longtemps euh et et je pense que le fait de réfléchir à la forme de ce qui crée lui donne aussi justement une envie de s'aventurer dans des dans des pas tu rageou on n pas nombreux à marcher et lui il y va et du coup moi derrière je me dis c'est possible d'écrire un livre comme ça et ça me fait un bien fou et j'ai pas de voilà je j'ai pas de jalousie dans ces momentl il y a une sorte de truc de me dire bah puisque c'est fait ça c'est plus à faire merci voilà nouveau pan du monde c'est super oui peut-être je il faut préciser c'était le point de vue de son éditeur parce que en vous écoutant je me souviens par exemple avoir entendu Arnaud Bertina vraiment faire feu de tout bois contre le côté besogneux plintif géniar de de l'écrivain et faisait référence à à la correspondance de Flobert qui par ailleurs est très belle mais voilà lui il était pas du tout là-dedans donc en fait la besogne il voilà il y va s'ans s s s'en sourciller finalement euh vous vous parliez de de de ces livres notamment féministe qui était paru reparu ces ces dernières années euh à montauan vous avez eu vous aviez eu cette très belle phrase quand on revient des pays de la fiction c'est comme quand on revient de la plage il y a du sable partout euh est-ce que vous pouvez à travers quelques exemples euh nous raconter de quelle plage vous êtes revenu récemment et nous donner peut-être je sais pas un ou deux titres comme ça de parution ou reparution euh puisque j'imagine que cette réflexion elle é guillonne aussi euh vos lectures nos lectures aussi on a envie de découvrir d'autres choses après avoir lu notamment toute une moitié du monde h quand tu enlève comme ça mes bégéments et mes hésitations des phrases de montauan j'ai l'impression que j'ai été prillante je te lis bien et que et que j'ai j'ai j'ai joué avec des formules et et créé des images et et après coup je me dis non c'est parce qu'en fait elodim a la gentillesse de me citer sans reprendre tous les défauts de l'oralité euh de [Musique] de en fait c'est c'est un peu c'est un peu compliqué euh pour pour moi en ce moment parce que les les et je je pense là là encore que je suis pas la seule mais les les derniers livres les derniers livres livres qui m'ont qui m'ont marqué sont des livres si vous les avez lu vous comprenez pourquoi ils sont marquants et si vous les avez pas lu peut-être en fait vous avez pas envie de les lire je pense donc notamment à triste tigre de neig Cino et quelques mois avant j'avais lu Sambre qu'il a été adapté en en série télévisée qui est celui de Alice GUD je je c'est GIR Giro j'ai j'ai un doute sur la la première la première syllabe euh et donc et donc évidemment sur le papier si on vous dit voilà donc Sambre c'est un récit sur un violeur en série qui a sévie pendant presque 50 ans à la frontière franco-belge vous vous dites pourquoi s'infliger ça peut-être et de la même manière bah le triste tigre de de neig sinino quand on vous dit bah c'est le récit de de l'inceste qu'elle a subi de la part de son beau-père pendant des années et des années ça a aussi l'air d'une lecture qui qui va faire plus de mal que de bien euh il se trouve que il y a dans la construction de ces de livres des choses qui ouvrent des des choses qui ouvrent des des des espaces de réflexion euh des espaces de de de consolation euh et et même même chez chez Nino parfois des moment de rire pour moi où je la trouve extraordinairement drôle et je considère que c'est un tour de force littéraire que de réussir à à guider comme ça son lecteur et sa lectrice de faire en sorte que le choc parfois il soit frontal et il soit d'une brutalité qui est difficile à soutenir et après ça d'être capable de nous prendre par la main et de dire mais là on va plutôt aller ailleurs et je vais faire ça euh et le je vais faire ça fonctionne on ne reste pas englué dans l'émotion d'avant et on passe à une manière de raconter une manière d'analyser qui est qui est différente euh et euh et donc pour moi ce voilà ce ce ce livre ce livre est formidable et dans dans Sambre euh il y a une en fait je je pense que euh d'une certaine manière pour moi ce qui se dégage c'est des raisons d'être optimiste euh quand bien même quand bien même on on serait terrifié par par le backlash euh face à à face à à la à à à à la parole que prend le le féminisme aujourd'hui et le le le backlash est un phénomène réel mais dans l'analyse en fait des procédures policières et des procédures judiciaires euh dans la manière dont euh quelque chose a bougé dans l'écoute de la parole des femmes concrètement on passe d'une situation où il était absolument impossible d'arrêter cet homme à une situation où il a été arrêté euh et où eu et [Musique] où certains personnages sur le chemin notamment un des policiers chargé de de l'enquête est capable de faire un macoupa suffisant pour dire c'est pas je suis bien sûr qu'il y a eu des ratés administratif des dossiers perdus au second sous-sol un proc qui a changé et cetera mais en fait mais en fait tout aurait pu être fait différemment si la parole avait été écoutée et cru et si on avait cru aussi en tant que en tant que policier que ça avait une importance et que c'était possible d'arrêter les violeurs et quand je le dis comme ça ça a pas l'air formidablement joyeux comme rayon d'espoir mais je trouve que dans la manière dont l'autrice construit son livre c'est ça qui arrive et les et les larmes en fait que me tire ce livre c'est pas des larmes d'horreur c'est c'est aussi le la croyance que si on a arrête pas la lutte euh les choses pourront continuer à à évoluer et que et que ce changement qui peut avoir l'air de donner finalement une sorte de minimum auquel ont droit les femmes c'est en réalité un séisme et que quand on regarde l'ampleur de ce séisme et Ben et ben 40 ans 45 ans c'est c'est pas si long pour renouveler complètement des pratiques et et il faudrait juste euh essayer de les garantir comme par exemple les garantir comme un droit de l'avortement dans la Constitution comme autre chose qu'on pourrait garantir euh voilà donc pas forcément voilà pas forcément des livres réjouissants si vous voulez des livres pour aller à la plage ou en weekend avec des amis je peux essayer de trouver d'autres idées euh mais aussi comme j'étais en train de finir ce roman j'ai aussi relu en en boucle euh des des choses euh en même temps j'ai lu et relu notamment un livre d'une historienne qui s'appelle Isabelle merle ce livre il s'appelle expérience coloniale c'est un livre sur sur l'histoire de la Nouvelle-Calédonie entre donc le moment de la colonisation et le début du du 20e siècle et si jamais le sujet vous intéresse un tout petit peu c'est c'est un livre que par ailleurs je trouve hyper bien écrit et c'est pas c'est pas toujours que ça va ensemble euh un travail de de recherche universitaire historique et une langue qui fait que euh je je je me suis dit ça en fait je me suis dit tiens quand quand mon livre va paraître et que on me demandera com comme posera des questions qui sont pas enfin qui sont euh qui sont pas forcément des questions auxquelles moi je peux répondre parce que je je suis pas spécialiste non plus je pourrait envoyer renvoyer tout le monde vers ce livre-là sans me dire ah oui il y a de la matière mais vraiment la forme va rebuter tout le monde non il y a il y a voilà donc donc je l'ai relu 12 fois je pense merci merci pour ces trois conseils en en reparcourant toute une moitié du monde j'ai j'ai adoré retomber sur ce passage il y a des récits qui mettent en relation et d'autres qui échouent à le faire ou qui répètent des forme de relation inégalitaire convenu oppressive tronqué s'il y avait un message diffusé dans les haut-parleurs de la douane avant l'entrée en territoire de fiction il ressemblerait curieusement à celui des assurances ou des banques jointes par téléphone il promettrait patienter quelques instants vous allez être mis en relation euh bon voilà voilà le pouvoir possible de la fiction c'est créer un endroit ou des personnages ou alure où le lecteur et les personnages font vont momentanément faire société on pourrait dire ça comme ça euh et je me disais mais en fait on cherche partout les derniers endroits de mixité sociale mais en fait il y en a plein les les bibliothèque de de ces ents là est-ce que vous pouvez revenir sur ce sur ce pouvoir là de de de la fiction qui je crois qui vous é chè qui fonde un peu votre foi euh oui c'est cette c'est cette idée que malgré malgré tous nos efforts pour pour celles et ceux qui en font on vit toujours en réalité dans un certain entre soi ne serait-ce que celui de la proximité géographique qui fait qu'il est infiniment plus facile de à fréquenter les les gens qui ne vivent pas trop loin de chez nous que enfin que les gens qui vivent par exemple en Nouvelle-Calédonie puisque c'est très loin et que le donc ça ça disons que c'est l'entre soit le plus le plus le plus acceptable d'une certaine manière par ailleurs ça çaajoute s'ajoute des choses qui sont un peu plus pénibles on vit aussi assez souvent dans un entre soi de classe sociale euh donc de de de niveau de revenu de niveau d'étude et il y a bien sûr des exceptions mais mais quand même quand quand on regarde on peut se dire les les les groupes au sein desquels on évolue ont pas une immense mixité par rapport à la diversité des situation qui qui existe ne serait-ce que dans dans notre dans notre pays h et les livres permettent en fait de franchir un nombre infini de de ces frontières sans avoir à à bouger de de chez soi ou d'aller plus loin que la librairie ou la bibliothèque donc évidemment c'est le cas pour évidemment c'est le cas pour des des questions géographiques est ce que je dis dans dans toute une moitié du monde enfin je prends notamment l'exemple de de l'autrice nigériane shimamonda ngzi à ier et de son son roman que je trouve absolument magnifique qui s'appelle l'autre moitié du soleil qui est sur la la guerre civile au au nigéa et que ce livre- làà en fait m'a rendu presque personnel cette cette partie de l'histoire d'un pays où j'ai jamais mis les pieds euh jusqu'à ce que je le lise en fait euh j'avais un vague souvenir de cours d'école assez de blague de cours d'école assez raciste sur les petits biafrais qui enfin qui étaiit tout maigre et ça se mélangeait avec les blagues sur les petits somaliens au moment de de l'opération sac de riz et cetera mais j'avais aucune idée de enfin en fait j'avais aucune idée de de ce qui s'était passé et là d'une oui d'une certaine manière j'ai l'impression que je pourrais plus jamais entendre évoquer ce conflit sans avoir l'impression qu'il a écartelé des familles qui m'étai cher que certains de des personnages qui disparaissent au cours du roman et et dont on aura jamais de nouvelle puisque elle a aussi cette enfin cette audace et un bien grand mot mais peut-être disons audace narrative qui m'est cher comme comme tu le sais mais qui est de de pas donner des résolutions à tout et de laisser comme ça des en fait des blessures béantes dans la narration qui équivalent au manque des familles on ne sait pas on ne sait pas où sont passés un tel et un tel comme des gens disparaissent en temps de guerre euh et et du coup moi je porte aussi euh je porte aussi ce ce manque que ça que sa technique romanesque a créé mais c'est aussi de manière moins spectaculaire c'est des occasions en fait de rencontrer des des personnes qui travaill dans des milieux qui sont absolument pas les miens qui sont agités par des enjeux qui sont absolument pas les miens qui m'apprennent aussi des choses tout simplement sur les émotions humaines qu'on peut ressentir dans tel ou telle situation que peut-être j'ai la chance de pas encore avoir connu mais quand elle arrivera je me sentirai moins seule parce que je me dirais j'ai lu quelque chose sur un deuil similaire j'ai lu quelque chose sur sur une rupture similaire et donc oui je crois je crois que la la fiction elle est elle est capable de ça de ces décloisonnements qui sont qui sont absolument nécessaires et et un autre exemple que que je que je prends dans dans le livre c'est la la discrétion de de feisagen euh qui est un un livre dans lequel elle raconte l'histoire d'une mère de famille arrivée de d'Algérie et qui qui a consacré en fait une grande partie de de sa vie de sa vie en France à à élever ses enfants à travailler à vivre dans une situation très précaire et une fois ces enfants adultes il y a cette scène à la fin où euh partte en vacances avec elle et ou dans une maison qui qui a une piscine et où elle se baigne pour la première fois de sa vie en portant un burkini parce qu'en fait elle elle il est hors de question qu'elle se mette en en maillot de bain et ses enfants le savent et et il y a voilà cette scène où cette cette femme vieillissante accrochée à une frite en mousse parce que bien sûr elle sait pas nager traverse la piscine comme ça en faisant des éclaboussures et en poussant des des des grands cris de joie et je me suis dit tiens en fait avant de ce roman ce mot je l'ai entendu uniquement dans la bouche de personnalité politique de droite ou d'extrême droite pour dénoncer un malâ rampant qui allait prendre possession de nos plages euh et tout à coup je l'attache euh je l'attache à à la alors réalité c'est un mot bizarre parce que c'est un personnage de fiction euh mais je l'attache à la à la matérialité en tout cas euh de de l'expérience de de cette femme et tout à coup ça me devient insupportable aussi en fait qu'on puisse parler du burkini sans parler de Yasmina ou sans que Yasmina puisse parler elle-même de ce que de ce que le mot veut dire pour elle enfin ça ça change complètement ça change le rayonnement du mot et ça change l'angle de vue qui est acceptable sur sur la la prononciation de de ce mot-là et oui dans des moments comme ça j'ai une j'ai une grande croyance dans le pouvoir de de laffiction de créer des sociétés meilleures voilà par moment je suis moins confiante mais euh comme tout le monde on a des moments plus plus difficiles mais ça ça ça ça rejoint ce que euh ce qu' a pu dire dans dans un entretien quelqu'un que que vous je sais que vous aimez beaucoup euh qui s'appelle yakuta Alikavazovic qui disait euh finalement la littérature c'est le premier accès et peut-être le plus simple à une réalité virtuelle toutun coup modernisait quand même cette de façon très très efficace ce que ça pouvait être de lire de lire un livre tout simplement euh je disais dans dans toute une moitié du monde vous vous parlez aussi du du du monde littéraire euh la bataille elle est loin d'être gagnée pour pour les autrices dans ce dans ce microcosme vous parlez notamment de ces autrices dont vous vous vous le disiez un peu tout à l'heure qui vous êtes emparé de de questions politiques euh social vous parlez aussi d'autrice dont la vie a été percutée euh par des événements historiques ou politique vous citez zerouya chalev cette autrice israélienne notamment et vous dites que ça vous a offert à vous à elle un peu plus de considération euh de la part de ce milieu considération immédiatement biaisé puisque on ne vous parlait plus d'écriture de construction romanesque on vous interrogeit un peu en tant que spécialiste intellectuel il n'empêche pourtant que il est quand même grandement question de justice dans vos livres vous ne vous en cachez pas est-ce que votre façon de penser votre positionnement dans le monde littéraire dans l'espace public dans l'espace médiatique est-ce que il a changé depuis l'art de perdre du coup euh ou depuis toute une moitié du monde est-ce que la façon que vous avez de vous exprimer de de prendre place est-ce qu'elle c'est d'une façon précisée affermie ou est-ce que ça reste quelque chose qui est peu évident qui est fragile est-ce que est-ce qu'il y a eu un quand même une une évolution oui forcément euh déjà parce [Musique] que on m'a plus demandé de de prendre la parole publiquement et on m'a plus donné la la parole publiquement et que j'ai jamais considéré que c'était quelque chose d'anodin c'est-à-dire ça doit pas être ça doit pas être pris à à la légère on peut parfois je pense on peut parfois en allumant sa sa télévision se dire ah oui mais on laisse vraiment n'importe qui parler sur n'importe quoi euh et ça peut peut faire ça mais en réalité c'est pas vrai au sens où la parole est donnée à des gens que parfois on aimerait mieux ne pas entendre sur des des sujets soit parce que il et elle ne les travaillent pas du tout soit parce que soit parce que vraiment ce ce sont des des des adversaires euh mais en fait le nombre de personnes qui ont accès à à cette plateforme là il reste malgré tout restreint et donc et donc tout le temps je me dis voilà tout le temps je me dis que ça ça demande ça demande à ça demande du travail avant de de prendre la parole ça demande aussi ça demande aussi de devoir composer avec les codes de la parole publique audible ça c'est aussi c'est c'est quelque chose c'est quelque chose sur le sur lequel je me pose beaucoup de questions en tant que en tant que féministe euh parce qu'on sait quand en fait les codes de la parole qui peut être entendu les codes et et au-delà de ça qui qui peut être cru c'est beaucoup des codes qui sont formés sur sur le discours masculin bah notamment la question de la question de la tonalité de la voix et pour celles et ceux qui me connaissent pas en fait depuis le début c'est pas ma vraie voix ma vraie voix elle part dans les aigus mais mais mais mais je la contrôle pas quand je la contrôle pas pas je parle avec la voix des doublages de Dragon Ball Z j'ai j'ai cette sorte de voix comme ça un peu absurde qui fait que vous vous allez pas me croire euh de de de manière de manière spontanée c'est pas une voix qui raconte des choses sérieuses et donc voilà par exemple je je vais faire ça tout en me disant ah mais en faisant ça euh je vais faire perdurer l'idée que il faut que les femmes aient une voix grave pour pour être audible et donc derrière moi vont arriver d'autres à d'autres générations de femme avec des voix aigues et o on va faire bah non euh euh c'est pareil voilà je j'essaye euh je j'essaye j'essaie de faire moins de conneries euh au sens où comme je suis comme je suis plus exposé euh d'une certaine manière je risque de créer des précédents euh et je pense voilà je je je pense notamment au fait que euh ben j'accepte plus de j'accepte plus de travailler gratuitement euh pas parce que pas parce que je veux l'argent mais en fait parce que j'ai réalisé il y a quelques années que c'est c'était utilisé par certaines associations pour dire à d'autres auteurs et autrices qui ont besoin de cet argent bah regarde Ali zanitire elle est plus connue que toi et elle le fait gratuitement pourquoi toi on te on te pérrait euh et donc en fait je sais que je peux plus faire ça euh je je sais aussi que euh voilà que il faut que euh il faut que je négocie mes contrats d'édition il faut que je dise non de manière beaucoup plus ferme que je le faisais quand j'avais 25 ans et que j'étais personne euh et ça ça vient à la fois donc avec le fait que je sois que je sois plus exposé mais aussi parce que ça fait 20 ans que je publie maintenant et je commence à me penser comme une maman de la littérature et il faut que je fasse attention aux vintenaires qui sont en train d'arriver parce que les maisons d'édition font pas forcément attention à à elle ni à eux et donc et donc voilà les les grands ancêtres dont je commence doucement à faire partie doivent doivent prendre soin des des des oisillons et donc oui tout ça tout ça ça change et puis et puis oui enfin je veux dire clairement mon je sais pas je pourrais répondre très longuement à cette question parce qu'il y a 1000 choses qui ont changé mais je mon nom c'est plus mon nom mon nom c'est une sorte de chose publique qui vient sur les couvertures de livres que les gens peuvent voilà que les gens peuvent peuvent utiliser et parfois j'ai l'impression parfois je je peux lire des des des critiques hyper violentes de mon travail sur internet et je me dis mais c'est ces gens se rendent pas compte que mon nom c'est mon nom et que mon nom enfin et que mon nom c'est moi c'est-à-dire de les gens peuvent écrire genre zenitire fait n'importe quoi nanana ce vôre dans le truc et mais juste est-ce que vous pouvez juste mettre l'autrice fait parce que parce que c'est hyper dur c'est enfin bref c'est c'est des choses qui arriait pas avant avant que j'ai le concours de lycéens et qui maintenant arrive tout le temps et et j'essae et j'apprends encore en fait j'apprends encore à à composer avec le fait que bah les choses ont changé et que j'ai pas forcément pris la mesure de tout et donc il faut que je recalibre ce que ça veut dire ce que veut dire ma parole ce que veut dire mon nom ce que veut dire ce que veut dire ma présence ce que voilà c'était ma dernière question merci beaucoup alis unit merci infiniment merci Elodie merci