La Fondation Abbé Pierre va changer de nom - C l’hebdo - 07/09/2024
Published: Sep 06, 2024
Duration: 00:15:57
Category: Entertainment
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naturelle. Même à un président, elle pouvait lui dire
qu'il l'ennuyait, qu'il détestait la musique alors qu'elle, c'était
sa passion. - A.Casse: C'est beau de vous voir
amoureux. Maintenant, on vous entend parler
d'amour! C'est Le dossier de la semaine
sur Emmaus et l'abbé Pierre. Il y a de nouvelles accusations
contre lui dans un nouveau rapport rendu public ce week-end. On va d'abord revivre le 17
juillet, un coup de tonnerre, 17 ans après la mort
de celui qui a été longtemps la personnalité préférée
des Français. - La nouvelle a stupéfait
toute la communauté Emmaus. - Un coup de tonnerre. -17 femmes différentes témoignent
de façon anonyme, des salariées, des proches, des bénévoles... Elles l'accusent de harcèlement
sexuel et d'agressions sexuelles entre la fin des années 70
et 2005. avait été alertée au moment
des faits. - Il a été désigné plusieurs fois
personnalité préférée des Français. On peut dire que c'est une icône. - Ca a un côté effrayant. Personne n'est indemne. Ca met en cause la crédibilité
de cet engagement chrétien. - A.Casse: Bonsoir, C.Robert. Vous êtes le DG de la Fondation
Abbé-Pierre. Bonsoir, J.Minkowski. Merci d'avoir choisi "C l'hebdo"
ce soir. Le 17 juillet, il y a eu à la fois le rapport commandé
par Emmaus International, On a tout découvert le 17 juillet. Vous étiez au courant depuis
combien de temps? - C.Robert: Si on reprend
l'historique, il y a eu une personne qui a témoigné auprès de l'Eglise. Ce témoignage a été transmis
à Emmaus. Des responsables d'Emmaus
ont rencontré cette personne. A ce moment-là, il a été décidé,
en février... Non, novembre ou décembre... Il a été décidé dans la foulée
de creuser, de savoir s'il pouvait y avoir
d'autres personnes victimes des agissements de l'abbé Pierre. pour ouvrir une cellule d'écoute
qui a donné lieu à ce travail de synthèse, rendu public
en juillet. 17 personnes ont témoigné. - A.Casse: Aujourd'hui, 24. Il y en a 17 dans ce rapport
que j'ai dans mes mains. Il a été publié ce vendredi soir. Il y a 12 récits directs,
5 indirects. Certaines femmes sont mortes
depuis. C'est la famille qui transmet
leur récit. Ces femmes sont désignées
par des lettres. - L.Amar: Oui. Il y a par exemple la dénommée I. quand elle avait 18 ans. Il y a une autre lettre, J. - Elle a dit qu'elle avait dû
pratiquer une fellation. Qu'est-ce qui vous a marqué
quand vous avez découvert tout ça? - T.Daher: Le choc et la sidération
pour l'ensemble du mouvement. Nous représentons 35 000 acteurs
et actrices. C'est excessivement grave,
ce que nous avons révélé. C'est inattendu
pour toutes les personnes qui se sont mobilisées. A cette époque, on a fait le choix
de croire les victimes. On souhaite réaffirmer aujourd'hui
ce postulat important. On les croit et on les remercie
de nous avoir fait confiance. que vous évoquez, c'est les similarités
et les pratiques qu'il y a. Elles sont souvent de même ordre
et de même nature. Il y a comme un protocole. Ce qui nous a marqué, c'est à quel
point ces victimes ont longtemps gardé le silence, pour la plupart. Ce n'est pas le cas de toutes. Il y en a qui parlent
pour la première fois. C'est ce déclic
que nous souhaitions en ouvrant publiquement cette affaire. Ca montre à quel point
ces histoires les ont traumatisés, toutes et tous, toutes surtout. Elles sont aujourd'hui
reconnaissantes d'avoir pu trouver un espace pour que cette vérité
soit reconnue. - A.Casse: Il y a 24 témoignages
aujourd'hui. Demain, combien? Vous arrivez à prendre la mesure
des accusations? Est-ce que vous envisagez
de réexaminer les archives pour essayer de voir si ces femmes
avaient tenté de contacter... - C.Robert: On a pris
un certain nombre de décisions, dont une: la mise en place
d'une commission d'experts indépendants pour faire la lumière
sur ce qui s'est passé. Comment se fait-il
que l'abbé Pierre, pendant une période allant
des années 50 aux années 2000, entendu publiquement? - A.Casse: Il y a la question
d'éventuelles complicités. - C.Robert: Je ne sais pas si c'est
le bon mot. - A.Casse: Il y en a peut-être
qui savaient et qui n'ont rien fait. - C.Robert: On peut voir
ça comme ça. Le travail mené par Egaé a révélé
que les personnes proches de l'abbé Pierre ont fait des alertes directes
ou indirectes dans les années 50, 70. Est-ce qu'elles ne l'ont pas
compris? Est-ce qu'elles n'ont pas fait
ce qu'il fallait? avec ces faits graves. Cette 1re mesure est importante
pour nous, une commission d'experts indépendants. - A.Casse: Est-ce
que la Fondation Abbé-Pierre va continuer à s'appeler ainsi? - C.Robert: Non. Nous avons pris la décision,
difficile, de changer de nom. Personne ne pourrait comprendre,
au moment où, sur la place publique, sont fichés ces faits extrêmement
graves et douloureux commis par l'abbé Pierre,
que nous ne fassions rien, que nous ne prenions pas
de décision. Il ne s'agit pas de renier
tout ce que l'abbé Pierre a fait dans ses luttes, tout ce qu'il a pu créer
comme initiatives, non. Ca appartient à l'histoire. C'est bien vrai. Mais nous avons un combat à mener,
avec les bénévoles, les salariés et les donateurs. Si on restait sans rien faire, si on se limitait à ce travail
très important de reconnaissance et de transparence, ce serait bien
insuffisant. Nous avons pris la décision
de changer de nom pour mener ce combat sans avoir du doute
chez certains, sur cette image - A.Casse: Vous parlez de l'image. Des portraits vont être enlevés? - T.Daher: C'est une question
qui concerne l'ensemble du mouvement. Il y a en tout 300 organisations
un peu partout sur le territoire. Il y a des communautés,
des accueils de jour, etc. Il y a une diversité du mouvement
Emmaus. Un des éléments d'unité, c'était
cette figure. Tous les Français savent
que la figure est omniprésente dans l'espace de vente Emmaus. Aujourd'hui, il y a 2 décisions
importantes prises par la fédération. les accusations, l'ensemble
des bustes, des posters, des affiches du siège. A Montreuil, il n'y a plus aucune
image de l'abbé Pierre. Nous le devions aux équipes
et à toutes les personnes qui sont amenées à venir
dans nos locaux. C'est une décision symboliquement
forte qui a été douloureuse. La seconde décision
que nous prenons sur le champ du symbole et de la représentation,
c'est que nous allons soumettre à tous nos adhérents,
300 groupes Emmaus, avant la fin de l'année, une décision
qui consiste à retirer de la marque Emmaus la mention
"Fondateur abbé Pierre". Aujourd'hui,
quand vous vous appelez Emmaus - A.Casse: C'est lui qui l'a créé. - T.Daher: Il est à l'initiative
et à l'impulsion. Dans la même logique
que celle que vient de décrire Christophe, il me semble
que nous devons, par souci de cohérence par rapport
à ce combat, le faire. - N.Polony: Le centre d'Esteville,
un lieu de mémoire dédié à l'abbé Pierre, va aussi fermer. Tout ce que vous nous dites,
je le comprends parfaitement. On sent votre émotion. On imagine celle de l'ensemble
du mouvement. Toutefois, je m'interroge. Je ne prétends pas avoir de bonnes
réponses. les dons nécessaires, le mouvement
qui est nécessaire, au risque de valider le fait qu'une personne,
parce qu'elle a commis des actes absolument innommables, doit être complètement effacée? L'abbé Pierre est un homme
qui a été résistant. Il a fondé... On va effacer l'histoire, le fait
qu'il a créé ce mouvement, qui a été essentiel
pour nous alerter tous sur ce que c'était
que la misère et le mal-logement. Quelle est la juste mesure? - C.Robert: Cette question
est importante. Je vous remercie de la poser. Vraiment, je souhaiterais insister
qu'il ne s'agit pas de remettre en cause cette histoire,
ce que l'abbé Pierre a fait dans la lutte contre l'exclusion
en France, et j'allais dire pas seulement pour nos organisations,
mais globalement. Il a été la personnalité préférée
des Français pendant une décennie. Il ne s'agit pas de réviser
cette histoire, pas du tout. En revanche, nous avons fait
ce travail de vérité et de transparence
car on se sentait responsables. Il fait partie de cette histoire. Nous avons voulu prendre
nos responsabilités. Maintenant, c'est quoi,
notre combat, à nous? C'est la lutte
contre le mal-logement, la lutte - A.Casse: On a contacté le parquet
de Paris. Il nous dit qu'à ce stade, il n'a
reçu aucun signalement. Est-ce que cette affaire pourrait
avoir des suites judiciaires? - M.Barnérias: L'abbé Pierre
est décédé en 2007. - J.Minkowski: L'ensemble des faits
qui auraient pu être poursuivis, a priori, seraient prescrits. Il y a des enquêtes en matière
de violences sexuelles, systématiquement. Il pourrait y avoir une enquête
sur ces non-dénonciations, pas sur les crimes ou les délits
dont est accusé l'abbé Pierre aujourd'hui puisqu'il est décédé. C'est une cause d'extinction
de l'action publique. Mais je rappelle qu'elle ne peut
plus non plus passer pour les faits prescrits. Il y a peu, ça nous semblait encore
invraisemblable. Le garde des Sceaux,
E.Dupond-Moretti, en 2021, a donné cette instruction: ouvrir
systématiquement, en matière de violences sexuelles,
des enquêtes, même si on savait qu'à la fin, il n'y aurait pas
de jugement. La question, c'est: Est-ce que c'est
de la justice-fiction absolue que d'imaginer que le garde
des Sceaux viendrait demain demander au procureur d'enquêter
sur des faits pour lesquels il y aurait d'autant
moins de jugement que la personne On ne va pas faire un procès
sans la personne présente. Il n'y a pas de procès post-mortem. Il n'y a pas de procès
sans défense. Il n'y a pas de justice
sans défense. Je suis à la fois effrayée
par les accusations portées, qui restent des accusations... Vous dites que vous croyez
les victimes. Il y a un moment, c'était
l'ignorance. Pire que ça, parfois, on essaie
de faire taire les victimes. Ca s'est produit. Peut-être que ça s'est produit
dans le cadre des accusations qui visent l'abbé Pierre. Il y a quand même un stade
intermédiaire: "On vous écoute." - A.Casse: On a peu de temps. Je voudrais qu'on écoute
une archive qui résonne particulièrement aujourd'hui. C'est A.Duhamel qui interviewe
l'abbé Pierre en 1993. - A.Duhamel: Le fait
que vous soyez ce que vous êtes, que vous ayez la notoriété
que vous avez, ça fait que quand vous parlez,
on est obligés de vous écouter. Quand vous vous déplacez,
on est obligés de vous répondre. - Abbé Pierre: Oui. C'est en ça que c'est une arme. J'aurais tort de ne pas l'utiliser. Parfois, ça nous amène à dire
des choses déplaisantes. - A.Casse: Vous avez un souvenir
de cette interview. Quel regard vous jetez
sur cette affaire aujourd'hui? - A.Duhamel: Je suis le seul ici
qui a entendu l'appel. Je peux vous dire
que ça a bouleversé tout le monde, parents, enfants... Ca a été un phénomène... Je n'ai
pas de souvenirs de puissance émotionnelle équivalente. L'abbé Pierre
avait une personnalité écrasante. Il avait une forme de domination... Le mot va paraître quand même
bizarre, mais "morale". pour une autre personnalité
politique, littéraire ou autre. Il était l'ascendant. La dernière chose, c'est que ça m'a
confirmé, dans une idée peut-être facile,
mais que j'ai depuis très longtemps: le célibat
des prêtres, c'est inhumain. Les pasteurs, les rabbins,
les imams... - A.Casse: Ca ne justifie rien. - A.Duhamel: Evidemment. - A.Casse: Vous allez vous appeler
comment, alors? - C.Robert: On ne sait pas encore. Que les prêtres aient des rapports
sexuels consentis avec des femmes, ce n'est pas un problème. pour des femmes. Vous voyez ce que je veux dire. Le problème, c'est
le non-consentement, et sur une durée très longue,
avec des faits très graves. - M.Barnérias: Effacer son nom
n'effacera pas ce qui s'est passé. - C.Robert: Non! - T.Daher: Nous essayons de mettre
un peu de nuances dans un débat compliqué. 24 femmes nous ont appelés. Elles nous ont donné des détails,
des lieux et des dates. Nous avons pu vérifier cela.