Est-ce qu'il y aurait dimanche
une partie de la gauche, avec les macronistes et certains
LR, qui pourrait travailler à former une alternative? Ca dépend des responsables
politiques et des Français qui voteront dimanche. - A.-E.Lemoine: Les Français
voteront dimanche dans le secret de l'isoloir. Ce soir, on a une responsable
politique. Vous seriez prête à participer
à cette grande coalition? - F.Portelli: Non. Plusieurs choses me choquent. La coalition plurielle, c'est
quand vous avez une majorité... Depuis un certain temps, E.Macron
n'a plus de majorité et plus de cap. Les gens sont désorientés. Sur la question du front
républicain, je ne comprends plus ce que dit la majorité. - A.-E.Lemoine: Vous ne donnez pas
de consigne de vote. - F.Portelli: Non, mais au moins,
nous, c'est clair. E.Macron, il y a du "en même
temps", du "un peu en même temps" ou du "pas du tout en même temps". Pendant un temps, E.Macron
nous a dit front républicain contre le RN, puis finalement,
ils font partie de l'arc républicain... - P.Cohen: Les retraits ont eu
lieu. - F.Portelli: C'est récent. Il a eu des valses d'opinion
sur la question du RN ces derniers temps, même contre son ancienne
Première ministre. E.Philippe dit l'inverse sur LFI. Si on en est là avec le RN, il y a
plusieurs facteurs, notamment le comportement de LFI
qui frôle l'antisémitisme et la haine de l'autre, et aussi
le "en même temps". C'est ce qui a fait émerger
les extrêmes et ce qui a tué la démocratie. Je n'ai plus du toute envie d'y
participer. Dans ce marasme ambiant, je pense
que tout le monde a une part de responsabilité. - A.-E.Lemoine: Quelle
est la vôtre? - F.Portelli: On ne peut pas dire: "Vous avez perdu différentes
élections et vous avez fait passer E.Macron, mais depuis
qu'il est au pouvoir, c'est vous qui êtes responsable." On est dans l'opposition. On n'est pas responsable du foutoir
instauré par E.Macron. - P.Cohen:
Vous êtes dans l'opposition comme le RN... - F.Portelli: Comme le PS
et d'autres. - P.Cohen: Vous avez échoué
à incarner une alternative plus crédible que le RN. - F.Portelli: Je suis d'accord. Evidemment qu'on a échoué. Aujourd'hui, on ne résiste pas trop
mal. On nous avait prédit notre mort. Finalement, on s'en sort plutôt
bien et avec les honneurs, ce qui n'est pas le cas
de tout le monde. Après tout ça, il faudra
se reconstruire avec une nouvelle façon de faire de la politique
à droite, plus de diversité, plus de femmes et d'autres thématiques que celles
qu'on a portées. Une qui nous est chère, c'est
la culture. - A.-E.Lemoine: Il y avait un moyen
de s'opposer au RN. - F.Portelli: Le battre. - A.-E.Lemoine: Le front
républicain était défendu en son temps par J.Chirac. - F.Portelli: J.Chirac,
sur l'antisémitisme, il était très clair. Je ne veux pas parler à sa place. Est-ce qu'il aurait soutenu
une coalition avec des extrémistes? Je ne sais pas. - P.Cohen: X.Bertrand a parlé
d'un gouvernement de sursaut national. - F.Portelli: On ne peut pas
édulcorer ou relativiser l'antisémitisme, la haine
de l'autre, la haine de la police, dire
que c'est de l'humour... - P.Cohen: Les insoumis ont dit
qu'ils n'iraient pas dans une coalition. - F.Portelli: Si le Front populaire
avait la majorité... C'est LFI
qui a le plus de circonscriptions. Ils auraient un Premier ministre. Je combats tous les extrêmes. Je n'ai jamais été pour l'extrême
droite. J'ai une détestation de l'extrême
droite et je continue à les appeler ainsi. Dans leur programme, des choses me choquent
profondément, comme le fait de ne pas donner
de logement social à des gens qui ne seraient pas français. Le fait de critiquer
la binationalité. Ca me choque aussi que dans LFI,
il y a eu les propos sur le Hamas, l'absence d'empathie
pour les victimes du terrorisme du Hamas. On ne peut pas relativiser
tout ça et dire un jour qu'on s'est indigné, un jour que ces gens peuvent
provoquer une guerre civile et que le lendemain, pour garder
son poste, que ce n'était finalement pas si grave. - A.-E.Lemoine: S'il n'y a pas
de majorité... - F.Portelli: Ce sera le choix
des Français. C'est le choix des gens! Je vais faire un mea culpa. Je pense qu'une des fautes
de la droite, ça a été de revenir sur le référendum de 2005. Je n'étais pourtant pas
pour ce résultat. Quand le peuple s'exprime, on doit
le respecter. Le choix des Français ne sera
peut-être pas le mien, mais je le respecte. - P.Cohen: Ca a été défendu
au grand jour par N.Sarkozy lors de la présidentielle de 2007. Il a dit: "Si je suis élu,
je reviendrai..." - F.Portelli: J'ai le droit
de vous dire que c'était une faute. - P.Cohen: Oui, d'accord! Mais les Français ont voté en 2007
aussi. - F.Portelli: Oui,
mais ils avaient voté pour le "non" en 2005. Si on avait respecté ça, on n'aurait peut-être pas un RN
et une LFI aussi hauts, ainsi que les "gilets jaunes". - P.Lescure: Le RN répète depuis
le début de la campagne qu'il leur faut une majorité
absolue. Ce matin, M.Le Pen a été
plus nuancée. - F.Portelli: C'est
comme pour les retraites. Elle change souvent d'avis. - P.Lescure: Elle a parlé
d'une majorité relative de 270 députés complétés
par des soutiens. Ca pourrait venir du canal
historique? - F.Portelli: Non. E.Ciotti a décrédibilisé
la politique. Ceux qui restent sont des gens
qui ont dit "jamais Macron" et qui, aujourd'hui, disent
"jamais Bardella". Si c'était le cas, je ne serais pas
devant vous en tant que vice-présidente
des Républicains. Ce n'est pas un parti fréquentable. Je respecte les gens qui votent
pour eux. Je peux comprendre l'exaspération
et la colère, mais jamais je ne dirai que ce n'est pas
un parti d'extrême droite. Je ne le pense pas. Quand on regarde les livres écrits
sur J.Bardella, les gens qui composent les strates du RN,
on se rend compte que ça n'a pas beaucoup changé. - E.Tran Nguyen: L'Elysée a appelé
M.Le Pen à faire preuve de sang-froid et de mesure après
qu'elle a dénoncé le coup d'Etat administratif supposé du camp
macroniste. Elle explique se baser
sur des rumeurs qu'elle a lues sur des nominations à des postes
décisifs... - F.Portelli: C'est
"Martine à la plage". Elle découvre l'eau chaude. Ca fait partie des prérogatives
du président. Pour une fois qu'il fait
des nominations rapidement... Il faut rappeler le scandale
sur les nominations de directeurs de théâtre. Ca n'a choqué personne
parce qu'on se fout complètement de la culture dans ce pays. Pour une fois qu'il fait
ce qu'il faut, on ne va pas le critiquer! - E.Tran Nguyen: Elle perd
son sang-froid? - F.Portelli: Non. Elle joue son rôle. Elle fait dans le complotisme. "Les élites contre le peuple"... Elle joue son rôle, lui, le sien. Ce n'est pas très intéressant. - A.-E.Lemoine: Il va se passer
quoi pour LR le 8 juillet? Vous allez retrouver une vie
normale? Un nouveau président va être
désigné? - F.Portelli: Dans ce milieu,
la vie normale... On aura un nouveau président,
une nouvelle présidente, une nouvelle gouvernance. J'espère travailler
sur des nouvelles thématiques, montrer une espérance nouvelle
aux gens. Entre le bloc avec LFI ou l'extrême
droite, il reste une droite républicaine qui peut émerger
et qui, d'ailleurs, résiste. - P.Cohen: Vous avez quitté
le pouvoir en 2012. - F.Portelli: Moi, pas! - P.Cohen: Non, mais l'UMP. Ca fait 12 ans. Vous n'avez pas trouvé le temps
de vous préparer comme il fallait? - F.Portelli: On n'est pas
les seuls. Pourtant, certains ont réussi
à avoir une belle dynamique, comme le PS, avec R.Glucksmann. C'est dommage qu'il n'ait pas été
jusqu'au bout dans le fait de repousser LFI. J'ai espoir. La clarification a été faite,
notamment vis-à-vis des extrêmes et du macronisme. On va pouvoir bâtir quelque chose
de nouveau. En revanche, si ce n'est pas
réellement nouveau, si c'est juste du cosmétique, on va être
dans l'opposition pendant longtemps. Je ne l'espère pas pour avoir
un poste. Je suis maire, ça me va très bien. C'est passionnant. Les maires, c'est hyper utile. Je le souhaite pour mon pays. Les gens nous disent: "On
est perdus. On aimerait ne pas avoir à faire
ce choix dimanche."