- A.-E.Lemoine: Ce n'était pas moi. C'était A.-S.Lapix. - M.Cymes: Tu as
des problèmes de mémoire? - A.-E.Lemoine: Sur la couverture
de l'autobiographie, vous avez un air mélancolique. On ne reconnaît pas
l'humoriste sniper que vous avez été. Il n'y a plus
de petit sourire en coin. Quand on vous lit, on comprend. On découvre un homme malheureux
en amour parfois et malheureux en humour. L'humour que vous avez longtemps
pratiqué sans concessions, ce n'était pas forcément
un humour choisi. Vous dites que si vous avez été
si méchant, c'est que vous avez attendu
longtemps le succès. - S.Guillon: Oui, enfin,
c'est une posture, mais à un moment donné,
on m'a demandé de dézinguer les autres. Je l'ai fait et j'y ai pris goût. P.Lescure n'est plus là? - A.-E.Lemoine: Il reviendra
demain. - S.Guillon: Ca m'a déstabilisé. - A.-E.Lemoine: Vous aviez pris un plaisir immense à dézinguer
ceux qui avaient réussi, vous qui aviez longtemps
attendu de réussir. - S.Guillon: J'ai beaucoup,
beaucoup attendu mon heure. Quand on m'a passé le plat,
je me suis bâfré. - A.-E.Lemoine: Quitte
à vous prendre au sérieux à un moment? - S.Guillon: Oui. J'ai parlé d'arrogance. Je ne me supporte plus
quand je vois mes interviews d'il y a 15 ans. - A.-E.Lemoine: Si on diffuse
les portraits que vous avez faits sur France Inter... - S.Guillon: Pas tous. Celui sur D.Strauss-Kahn,
je ne le regrette absolument pas. - A.-E.Lemoine: C'est
celui qu'on va regarder. - S.Guillon: C'est pas vrai! Pour être honnête, il paraît
que le fait de l'avoir appelé "petit pot à tabac" l'a blessé,
mais il y a maldonne. Mon père possédait
une très belle collection de pots à tabac. Chez les Guillon,
"petit pot à tabac", c'est une marque d'affection. Dans quelques minutes,
D.Strauss-Kahn va pénétrer... dans ce studio. On va faire un effet de sirène. A ce signal, je vous demande
de vous diriger toutes sans exception
vers les ascenseurs. - A.-E.Lemoine: Vous ne regrettez
pas cette chronique. - S.Guillon: Je regarde P.Cohen,
qui était mon plus grand fan à l'époque. Je sens de la nostalgie
dans son oeil. - P.Cohen: Je n'étais pas à Inter,
à ce moment-là. - A.-E.Lemoine: C'est celle
qui vous a coûté votre place à France Inter,
mais vous ne la regrettez pas. - S.Guillon: C'est normal
que ça m'ait coûté la place. L'histoire ne m'a pas donné raison. Je me suis lourdement trompé! Ca fait 14 ans que... Si j'avais balancé l'abbé Pierre,
j'aurais pris perpète. - A.-E.Lemoine: Vous racontez
une anecdote avec votre petite fille
au supermarché. Ca vous a atteint
que la France entière pense que vous étiez un méchant. - S.Guillon: Ce qui est
un exercice de style... Ca m'a joué des tours
même professionnellement. Les gens n'avaient pas envie
de m'engager, en pensant que j'allais faire chier
sur le plateau. Vous qui me connaissez
de façon intime, vous savez à quel point je peux être agréable
avec les gens. Michel, qui m'a soigné
à une époque, sait que j'ai un bon fond. - M.Cymes: Secret médical. - P.Cohen: Tu ne peux pas dire
s'il a un bon fond. - A.-E.Lemoine: Ca se diagnostique,
un bon fond? Cette plume, vous la retournez
contre vous-même. Le livre commence
par un mail de rupture. Vous êtes brisé, au point
de songer au suicide. Mais là encore,
vous n'oubliez jamais de nous faire rire. Vous tapez sur Internet
"comment se suicider sans souffrance". - S.Guillon: J'ai regardé des tutos
pour faire des noeuds coulants. C'était important que le rire
vienne quasiment à chaque page. Je voulais éviter 2 écueils
dans une autobiographie: le côté impudique
et le côté prétentieux. Pourquoi raconter ma vie? Je n'ai pas inventé
le vaccin contre le paludisme. Il fallait absolument faire rire
de mes malheurs, de mes lâchetés, de mes turpitudes. - A.-E.Lemoine: De vos erreurs... - S.Guillon: De mes erreurs. C'était essentiel
que ce livre reste drôle. - M.Bouhafsi: Ce livre,
c'est surtout une déclaration d'amour aux femmes. "C'est drôle parce que je ne suis
ni un coureur ni un collectionneur, mais j'ai grandi
grâce à toutes ces femmes qui ont partagé ma vie." Vous dressez le portrait
de certaines de ces femmes, à commencer par Babeth,
pas la nôtre. Pour elle, vous avez tout enduré,
y compris vous teindre en blond pour jouer Cloclo. - S.Guillon: J'avais 8 ans. Dès 8 ans, j'ai commencé
à faire des conneries. Je me suis décoloré les cheveux,
j'ai appris le répertoire de Claude... - A.-E.Lemoine: Il en reste
quelque chose? - S.Guillon: Non. N'essayez même pas! J'étais tellement fan
du chanteur... - M.Bouhafsi: Votre coeur
a été pris, à l'adolescence, par une certaine Emmanuelle. Père chanteur célèbre
avec qui vous étiez en cours de théâtre. On a compris le nom
de cette personne: E.Béart. - S.Guillon: Je prends soin
dans le livre de ne citer personne. - M.Bouhafsi: Si on tape
sur Google, on trouve vite. - S.Guillon: Le portrait
est tendre. J'étais à 17 ans
avec elle en cours. Elle était sublime. Elle était incroyable. On voyait déjà la carrière
qu'elle allait faire. - M.Bouhafsi: "Je me faisais mal
en la regardant." - S.Guillon: Oui. - A.-E.Lemoine: Elle vous
regardait? - S.Guillon: Oui,
mais ça ne me faisait pas mal. - A.-E.Lemoine: Michel aussi,
vous souffriez des femmes? - M.Cymes: Moi? - A.-E.Lemoine: La jeune femme
au teckel. - M.Cymes: Oh là là! Oui... Non... Quel âge j'avais? 15 ans. J'étais amoureux d'une jeune fille
à qui je n'avais jamais parlé et qui promenait son chien
dans la rue. Je n'ai jamais réussi à descendre
de chez moi pour promener le chien avec elle. Grosse histoire d'amour! - E.Tran Nguyen: On a envie d'avoir
votre diagnostic sur Stéphane. Même si vous ne pouvez pas dévoiler
quoi que ce soit sur le patient, vous avez dit que l'hypocondrie
était la pathologie la plus partagée
par les journalistes et les artistes. Stéphane est concerné? - M.Cymes: L'hypocondrie... Je reçois un nombre de coups de fil
dans la journée de journalistes, d'artistes... On me demande mon avis. En général, on me dit:
"Est-ce que tu connais un bon dermato?" Comme si j'allais les envoyer
chez des mauvais. Systématiquement, "tu connais
un bon dermato?" Je réponds que je n'en connais
que des mauvais. Tous les métiers
qui sont stressants, par exemple les comédiens,
qui sont en tournée, qui ne peuvent pas se permettre
d'être malades une journée... Il y a le stress d'être malade. Dès qu'il y a le moindre symptôme,
ils m'appellent en me disant: Un pote vient de partir loin. Il fallait prendre un traitement
antipaludéen. "Comment je peux tourner
si j'ai mal au ventre?" C'est cette angoisse
de tous les métiers où les gens sont stressés. - A.-E.Lemoine: Un médecin
dans votre autobiographie a été très important. - S.Guillon: Oui. Jacques, Thierry et Michel
sont très disponibles. On les appelle et ils sont là. Pour des vraies raisons. Il m'est arrivé d'appeler Michel
1 ou 2 fois. Il a été là, de bon conseil. Il a pris son temps. Il m'a rappelé une semaine après
pour me demander si ça allait. Il n'a pas l'air, comme ça,
mais c'est un médecin sérieux. C'est un très mauvais animateur,
mais c'est un médecin sérieux. - E.Tran Nguyen: Vous avez aussi
entamé une psychothérapie. Vous avez vu une voyante, aussi? 50 euros les 20 minutes? - M.Cymes: Moi, je prends moins. - S.Guillon: Je suis
très cartésien. Tout ce qui pouvait m'aider,
à l'époque, je l'ai fait. La voyance ou d'autres choses... Du moment que ça aide
à aller mieux, faites-le. Je ne suis pas... dogmatique. - M.Cymes: Si tu as besoin de mots,
tu me demandes. - A.-E.Lemoine: On rit quand même
avec vous dans "Fini de rire". Pardon de rire de vos malheurs. On rit avec vous de vos malheurs. On est heureux de savoir
que ça va mieux. C'est disponible depuis le 29 août. Vous êtes au théâtre. La pièce "Inconnu à cette adresse"
reprend avec J.-P.Darroussin. Vous étiez venu avec lui
la dernière fois sur ce plateau. - S.Guillon: Je vais forcer
ma nature pour cette pièce.