31 - La maison, Emma Becker

Published: Jun 24, 2024 Duration: 00:13:28 Category: People & Blogs

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[Musique] hier je suis avec mon fils qui vide méthodiquement le placard à vêtements pendant que je fais son lit je cherche un boutil assez grand pour couvrir son matelas et dans la commode du couloir le premier à me sauter aux yeux est le dessus de lit de 3 m sur 3 que j'ai acheté lorsque la maison a fermé il patiente là depuis 5 mois plié à la sauvage jamais lavé vous venez d'écouter les premières lignes de la maison d'Emma bcker au programme aujourd'hui luxure calme et volupté bienvenue dans la voix des lettres épisode [Musique] 31 le livre que je vous présente aujourd'hui a été ma claque littéraire de l'année 2020 et il me tardait de vous en parler son sujet tient en deux mots un sacré bordel un bordel au sens littéral c'est-à-dire une maison close et je vais tenter de vous communiquer ce qu'il a de sacré pour l'autrice narratrice et personnage principal du roman mais avant de parler d'elle et de son livre donnons-lui la parole lorsque d'autres yeux que les miens se poseront sur ces lignes un morceau conséquent de Berlin aura disparu dans une indifférence quasi générale ce genre de chos arrivve tous les jours tous les berlinois font ainsi le deuil d'un ou plusieurs endroits qu'il pensait éternel et qui un beau jour s'évapore et la petite rue découverte au hasard d'une balade sans but parce qu'on cherchait autre chose qu'on n jamais trouvé aura à jamais cette air de fulgurance qui ne frappe personne d'autre que soi je ne sais pas comment on survit à ce type de perte je n'avais jamais été confronté à cette situation généralement c'est moi qui abandonne les endroits qui me sont chers pour m'apercevoir en revenant que je n'étais pas un indispensable à leur bon fonctionnement dans ce cas précis j'ai une technique lâche qui fonctionne plutôt bien j'évite d'y penser j'évite de regarder ce côté-là du plan de métro et comme rien ne me force à aller dans ce coin ma nostalgie bien que constante est légère sauf qu'hier je me suis perdu à vélo et dans une tentative de regagner les grandes artères familières je suis tombé sur le croisement où s'arrêtait mon bus il y a moins d'un an j'ai reconnu la boulangerie le magasin de bricolage l'église immense à deux pas égrainait de loin en loin des coups de cloches qui depuis les chambre avait le grondement réprobateur d'un parent trop éloigné ou trop vieux pour inspirer des scrupules l'église qui paraissait plus vaste encore collée comme elle l'était à un bordel étendait son ombre sur le café où les filles prenaient des panachés après le travail un air glacé sourdait de ses murs un souffle de tombeau qui nous nettoyait de la chaleur moite de l'odeur grisante de 20 femelles inspirant et expirant le même oxygène la maison était comme ça à cheval entre un lieu saint et une école maternelle rien d'étonnant à ce qu'on a essayé de la fermer ou qu'on y ait réussi le clocher nous donnait l'heure et les contines des enfants endormaient vaguement les filles lorsqu'elles fumaient dans le jardin la maison est souvent présentée comme une autofiction c'est-à-dire un roman où l'autrice est aussi la narratrice et l'héroïne je ne peux donc pas vous dire à quel moment s'arrête la biographie et où commence le roman et très honnêtement on s'en tamponne l'oreille avec une babouche on sait qu'Emma bécker s'est installé en 2013 à Berlin à 25 ans moitié par fantasme moitié par bravade elle pousse la porte d'un premier bordel le manège pour se faire embaucher et dans un pays où la prostitution est légale qui dit embauche dit cartion des revenus et inscription au registre de la ville qu'on appelle aussi en jargon technique les irrémédiables emmerdements administratifs légal en Allemagne la prostitution obéit à une réglementation stricte la même que celle à laquelle doivent se plier les travailleurs indépendants zelbstanding ce n'est pas une profession où l'on peut se permettre n'importe quoi qu'on soit en haut ou en bas de l'échelle les filles comme la maison se doivent de déclarer scrupuleusement leurs revenus et même avec toute l'honnêteté du monde aussi rare dans ce milieu que dans les autres il est fréquent de subir les rasas du finanamt capable de retourner et d'immobiliser un bordel à la recherche d'argent liquide dissimulé de chambres non déclaré il est compliqué pour une fille même jolie même instruite de travailler sans être inscrite au burgeramt et sans numéro de contribuable les d'esprit dans mon genre qui s'imagine ne jamais devoir frayer avec un comptable ni faire la queue au financeamt pour la simple et bonne raison qu'elles exercent un métier que personne ne veut faire celle-là se voit forcé de déchanter très vite à moins d'officiers dans les rues et à la solde d'une mafia quelconque nul ne peut se prévaloir d'encaisser du liquide dont l'État ne verra pas la couleur voilà pour les détails techniques pour la poésie il va falloir attendre un peu le premier bordel dans laquel la narratrice travaille le manège est un endroit sordide qui sous prétexte de très bien payer les filles qui y travaillent leur impose de longues heures à ne rien faire d'autre qu'attendre des clients peu nombreux mais il en faut plus pour décourager Emma Baker et sa plume à serbe je ne vais quand même pas abandonner un projet qui me passionne parce que le premier bordel que j'ai tenté est managé par une bande de demeuré à qui la sensualité et l'érotisme évoquent à peu près autant de choses que la thermodynamique pour moi heureusement elle claque la porte au bout de 2 semaines et on ne sait comment pousse celle d'un lieu autrement sensuel la maison il y a des pages sublimes pendant lesquelles elle nous emmène visiter ce lieu nous décrit les couloirs les escaliers les salons et les chambres mais il nous faudrait plus d'un épisode pour tout évoquer parmi les passages les plus touchants il y a ces heures suspendues où dans la salle commune elle enregistre le moindre MV de ses collègues prostitués Dorothée toute nue passe sur ses longues jambe une huile au citron dont l'odeur se mêle à celle de la soupe qu'une des filles a laissé refroidir sur le bord de la table basse je fais semblant de lire mais sa nudité hôte tout leur sens au mot j'ai sous les yeux une bouillie noire et blanche de lettres et le seul spectacle qui vaille mon attention juste au-dessus c'est cette fille qui ne m'aime pas beaucoup et considère sans doute que me montrer son derrière blanc constitue un ultime geste de mépris lorsqu'elle fait couler l'huile sur ses fesses qu'elle se pétrit pour la faire pénétrer j'entreaperçois une tache rose plus sombre quelques négligeable faussette de gras et c'est précisément cette impudeur cette désinvolture qui m'enchante c'est ce peu de considération pour son corps dépouillé de tout artifice qui m'meux j'ai l'impression de la voir plus nue qu'à la sortie des chambres ruisselantes de sueur c'est dans le chapitre précédent l'apparition de Dorothée qu'est donné en une phrase l'objet du livre où va l'âme des endroits qui ont été si violemment habités à la recherche du temple perdu si on n'a pas peur des jeux de mot douteux et comme prou avant elle Emma Becker cherche à recréer à partir de ses souvenirs et de la littérature un lieu disparu où replonger et revivre indéfiniment enfin en l'occurrence pendant 400 pages mais vous voyez l'idée le Paris est en tout cas réussi je ne saurais pas dire à quoi ça tient si c'est à la tournure des phrases à l'enchaînement d'expérien gloqu et jubilatoire qui sonnent toute vraie au langage cru ou à ces traits d'humour dont je ne me lasse pas par exemple ces ligne à propos d'un client une alliance qui brille autour d'un annulaire est également rassurante elle fait relativiser aussi banale aussi dépourvu de sensualité qu'un homme puisse être l'idée que quelque en ce monde une femme s'en contente voire s'en réjouisse pour pas un rond laisse l'espoir que tout n'est pas perdu mais vous vous en doutez la publication de la maison en 2019 n'a pas fait que des adeptes si la critique a été très positive certains ont reproché à l'autrice de faire l'apologie de la prostitution ceux qui crient fort sont souvent ceux qui s'épargnent la peine de lire le bouquin comme nous le prouve cet extrait dont la dernière phrase pourrait être tirée de la peste d'Albert Camu dont nous avons parlé dans l'épisode précédent ceci n'est pas une apologie de la prostitution si c'est une apologie c'est celle de la maison celle des femmes qui y travaillaient celle de la bienveillance on n'écrit pas assez de livres sur le soin que les gens prennent de leur semblable l'œuvre elle-même est difficilement réductible et c'est sans doute ce qui fait sa force c'est à la fois un essai sur le désir un reportage tr sur les travailleuses du sexe une étude sociologique des clients d'un bordel allemand une lecture érotique une ode aux femmes et à leur puissance ce qu'il y a de plus subversif pour notre société tient peut-être à la remise en question du travail à l'idée qu'un salaire pour lequel on na pas durement souffert n'est pas mérité ce n'est pas moi qui l'ai dit il y a des moments où je me demande ce que l'on pourrait me proposer de mieux et je sens bien que la haine la du monde entier contre les filles entretenues tient surtout à la jalousie que leur liberté inspire et à la réticence à admettre que tout ce temps libre cette ivresse de gambadé sans frein Val d'être caressé ou pét par des inconnus ce n'est pas à moi qu'il faut poser la question mon avis est fait oh j'entends ce qu'on pourrait opposer à cet argument que je suis paresseuse que j'ai choisi la facilité qu'il se trouve dans ce compromis odieux un abominable renoncement au la beur et à la persévérance pour être socialement acceptable il faudrait que je passe l'essentiel de mon temps à peiner dans une boutique et le salaire que l'on me verserait non sans rechigner me permettrait alors de lire d'écrire et de remplir mes nuits de rencontres plus ou moins satisfaisante plus ou moins médiocre que mon astuce combine le travail et la séduction c'est manifestement quelque insulte impardonnable au fonctionnement laborieux de la société mais lorsque je vois ce que cette même société juge acceptable j'aime encore mieux recommander une bière bien fraîche à la santé de toutes les du monde Santz donc à celle d'Amsterdam de Hambourg ou d'ailleurs et si la bière allemande n'est pas à votre goût vous pourrez toujours boire les paroles les habitudes et l'univers des occupantes de la maison qu'ell soit réelle inspiré ou inventé l'enjeu ici est de faire entendre des voix qu'on a l'habitude d'ignorer par pudeur par mépris ou par culpabilité je ne peux que vous inviter à les lire à travers la plume des mabéquer et vous propose de laisser le dernier mot de l'épisode à la narratrice je ne peux rien dire des nobles entreprises concourant ouvertement au bien de la société à son élévation si la quête de la grandeur rapproche et soude les familles qui s'y attellent mais entre le bien commun évident et le Mal indéniable se trouve cette ombre claire dont je voudrais parler je veux parler de ce nid de femme et de fille de mère et d'épouses se confortant toutes dans la conscience de vraé aussi un peu avec leur chair et leur infinie patience pour le bien des individus qui composent cette société s'oubliant elle-même par définition transcendant leurs faiblesse et prêtant pour quelques instants de joie ce corps dont il a été décidé un jour au nom d'un ciel aveugle et sourd qu'il ne pouvait appartenir qu'à un homme ou au diable je veux en parler parce qu'elles existent et que quand elles s'en vont du bordel elles laissent dans ce bateau vide l'odeur lancinante affolante de mil000 Genes d'amours différentes de tendresses cherchées et trouvé chacune à sa manière une odeur de réplé atteinte chaque jour et poursuivie chaque matin il n'y a aucune noblesse là-dedans mais il s'y trouve des vérités poignantes comme on en trouve nulle part ailleurs des témoignages de bonheur et des promesses de félicité et il faut bien que quelqu'un en parle c'est tout pour aujourd'hui merci d'avoir écouté jusqu'à la fin si cela vous a plu je vous invite à partager autour de vous à me suivre sur les internets et je vous donne rendez-vous dans deux semaine pour un nouvel épisode de la voix des lettres [Musique]

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