Entretien avec Abdellah Taïa pour Le Bastion des Larmes par enzoreads
Published: Sep 03, 2024
Duration: 00:07:56
Category: People & Blogs
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[Musique] bah je suis né à Raba mes parents sont allés vivre à Salé qui est juste à côté de la capitale pour moi salé surtout le quartier de ha salam c'est toute la vie même si je vis en ce moment à Paris depuis plusieurs années mais ce qui continue de de se couler en moi de circuler en moi c'est les expériences de vie que j'ai eu là-bas c'est là-bas que j'ai découvert que j'étais homosexuel c'est là-bas que j'ai appris la résistance c'est là-bas que j'ai imité mes sœurs c'est là que j'ai vu ma mère crier et s'imposer devant les hommes et tout ça s'est passé dans le cadre de la ville de Salé ma littérature l'écriture et même ce que je veux faire de manière générale dans la vie ne peut que circuler dans les rues de la ville de [Musique] Salé je crois que l'écriture est une éternelle tentative de revenir à des lieux où il s'est passé quelque chose qu'on a pas compris qu'on n pas vu l'écriture sert à ondir le bastion des larmes c'est vrai qu'il y a un retour on voit le narrateur Youssef revenir à Salé pour vendre le l'appartement qu'il a hérité de sa mère et ce retour permet à des souvenirs à des mémoires de revenir et une renégociation de la mémoire de la place de gay dans la mémoire du Maroc et la mémoire des hétérosexuels c'est un thème qui est très fort et très présent dans le le bastion des larmes mais moi j'estime que la le retour sur les choses le retour sur les événements le retour sur ce qu'on a vécu dans l'écriture c'est ça le thème de l'écriture on ne fait que revenir sur les choses pour les voir et les transmettre autrement je suis arrivé en France en 1998 et j'avais déjà un rêve j'avais déjà une ambition et je n'avais absolument pas peur de la France je n'avais pas peur de Paris je n'avais pas peur des Parisiens et donc malgré toutes les petites cases qui étaient déjà attendu qui m'attendaient ici çaelle me faisait pas peur ça m'a pas fait changer d'avis alors c'est vrai qu'il y a des discours contre les musulmans contre les Africains contre les noirs c'estàd on les regarde comme des êtres inférieur incapable de s'élever vers les mêmes lieux vers les mêmes sphères que les que les blancs mais moi ça ne m'a pas arrêté et c'est peut-être ça le plus important de ne pas laisser les autres vous réduire et qu'on revienne euh aux sources ou pas il faut juste essayer de continuer le chemin malgré on dit le la caravane passe les chiens continuent d'aboyer voilà je pense que les femmes détiennent la vérité beaucoup plus que les hommes et beaucoup plus que les hétérosexuels beaucoup plus que les homosexuels j'ai eu la chance de grandir autour de de beaucoup de femmes j'ai six sœurs elles sont toutes plus âgées que moi j'ai une mère qui j'avais une mère qui criait tout le temps qui voulait imposer sa vérité et ses stratagèmes et ces stratégies de survie comme femme pauvre à tout le monde donc quand je quand quand je parle des femmes j'essaie toujours de de parler d'elles à partir de la vérité que je les ai vu incarneré je n'essaie pas de les réduire à un discours attendu d'un écrivain marocain sur les femmes arabes et musulmanes ça m'intéresse pas de de d'utiliser mes sœurs ma mère et ma mère pour pour que certaines personnes m'acceptent et disent que je suis quelqu'un de courageux moi j'estime que j'ai une chance folle qu'il y ait des femmes autour de moi pas bien élevé des sorcières des des des femmes qui ne respectaient pas les règles et j'ai envie de les décrire et les raconter tel que elle elle vivait je ne les écris pas pour les expliquer je ne les écris pas pour donner d'elle une justification sociologique ou je ne sais quoi il faut juste que je mette ce que j'ai vu ce que j'ai vécu à côté d'elle je crois que les les femmes en tout cas les femmes marocaines les femmes algériennes ou africaines ell elles grandissent dans une des sociétés où on on impose l'homophobie aux gens je pense pas que mes sœurs aient été homophobes ou bien racistes c'est qu'à un moment donné le pouvoir la société les riches les partis politiques impos à ces gens à ces femmes un discours raciste homophobe qui nous exclu nous leurs frères gay leurs sœurs gay au transgenre euh je leur tiens pas rigueur mais dans mes livres je ne suis pas totalement tendre avec elle au contraire je un livre ne peut pas se faire et s'écrire seulement avec des des sentiments nobles ou gentils il y a forcément de clair et de l'obscur et il y a beaucoup de cris il y a beaucoup de choses crues dans ce livre on ne peut pas parler de quelqu'un seulement dans la lumière il faut forcément l'amener jusqu'à l'ombre jusqu'à des zones noires c'est là où la vérité peut sortir idéal ce serait de l'idéal ça serait que tout le monde existe dans sa propre vérité qu'il ne se cache pas donc qu'il fasse une forme de de cing out ou pas ça ça ce n'est pas à moi de le décider ce n'est certainement pas à l'Occident ou bien au pouvoir américain ou anglais de décider que telle ou telle personne doiv forcément faire son son camin important c'est d'exister quand même dans sa vérité le problème c'est que nous vivons dans des sociétés qui ne protègent pas les minorités que ne protègeent pas les enfants gay qui ne protègeent pas les enfants adolescents tranchant donc quand ils disent leur vérité cela les met encore plus en danger et le problème c'est aussi nous vivons dans un monde dominé par l'Occident qui exige que ceux du Sud s'inscrivent dans la même définition de la liberté de l'émancipation imposée par l'Occident or il y a quelque chose de colonialistes là-dedans il faut absolument regarder l'autre vraiment et non pas juste venir pour soi-disant le libérer et l'émanciper avec des codes inventés en Occident ça s'appelle juste une nouvelle vague de colonialisme je pense qu'il y a un espoir il suffit de regarder les réseaux sociaux le nombre de podcasts inventés par des des lesbiens marocaines ou algérienes d'étran gen marocains algérien égyptiens libanais euh des des gens qui ont des pages sur Instagram des maquilleurs makeup artistes des des boulangers qui ne sa pas au fin fond du Maroc c'est des espace je pense qu'on se rend pas compte qu' sont profondément des espaces politiques qui disent quelque chose malgré le silence du pouvoir malgré l'incompréhension de certains en Occident et et pour moi en tant qu'écrivain je valorise ça par exemple il y a en ce moment un podcast extraordinaire fait par deux Marocains qui s'appellent na ils invitent les gay les lesbiennes et lestrangeur marocains de leur envoyer d'histoires de leur vie leur vie au Maroc et donc ils reçoivent ces ces histoires ils les lisent il les commentent moi quand j'étais petit et adolescent cet espace là n'existe pas donc qu'il y ait du du du retour du racisme en Occident c'est devenu quasiment un une banalité malheureusement qu'il y ait du conservatisme ou bien retour à certaines dogmes religieux dans le monde arabe si qu c'est rien rien de nouveau mais on renvoie à côté de cela il y a des espaces qui se créent et il faut jamais oublier qu'en 2010 2011 et juste avant le covid aussi il y avait le printemps arabe et l'Algérie il y avait le Hak en Algérie alors le pouvoir essaie de ne faire oublier comme si tout cela n'a pas exister mais malgré tout le désespoir qu'il y a en moi moi je pense qu'il y a des choses qui bougent il faut juste savoir les repérer et les défendre