apiTalk #6 : Gaël Rivière, avocat, champion de cécifoot et VP de la Fédération française handisport

Published: Jul 25, 2022 Duration: 01:15:48 Category: Film & Animation

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Présentation de l'épisode Bonsoir à toutes et à tous. Je suis ravi de vous retrouver pour ce sixième épisode des apiTalks. Nous sommes en direct depuis les locaux d'apiDV. Je vous rappelle un petit peu le concept des apiTalks. Il s'agit de rencontres proposées par apiDV - Accompagner, Promouvoir et Intégrer les Déficients Visuels qui sont en fait des rencontres avec des déficients visuels actifs particulièrement engagés dans la société. Je suis ravi de finaliser et de clôturer cette saison 2, avec ce sixième épisode. Je vous redonne un peu le principe des apiTalks. C'est trois choses : d'abord un live ce soir. On est en direct. Vous pouvez poser vos questions dans le tchat de la page YouTube. Notre invité y répondra avec plaisir. Deuxième aspect, c'est évidemment un replay qui sera disponible sur YouTube, sur la chaîne YouTube d'apiDV dans quelques semaines. Et puis troisième point : un podcast avec un peu le best-of de ce soir sur une douzaine de minutes. Voilà. Vous pouvez déjà réécouter sur la chaîne YouTube et la chaîne de podcasts qui s'appelle "Je gueule pas, je braille" les podcasts des épisodes précédents. Donc je vous redonne un petit peu les infos. Vous pouvez tout à fait poser des questions. Comme je l'ai dit, c'est Stéphanie qui se fera un plaisir de poser les questions à notre invité du jour. Et puis, je profite aussi de l'occasion pour remercier les deux partenaires des apiTalks : Handsome et Accessolutions qui nous soutiennent dans cette initiative. Bien sûr, nous les remercions puisque c'est grâce à eux qu'on peut avoir les moyens techniques qu'on a ce soir et qu'on a à chaque fois pour les apiTalks. Présentation de Gaël Rivière Sans plus tarder, je vais accueillir donc Gaël. Gaël Rivière. Bonsoir. Merci de m'accueillir. C'est un plaisir de discuter avec toi, devant tout tous ces gens et de rendre publics nos échanges nourris que nous avons en vase clos en général. Merci d'être là, merci d'avoir accepté. C'est un grand plaisir partagé. Je te propose donc effectivement qu'on commence sans plus tarder, tout à fait logiquement, par probablement un petit peu ton parcours. Est-ce que tu peux brièvement nous présenter ton parcours un académique et scolaire? Alors déjà, je suis non-voyant de naissance. Je suis originaire de l'île de la Réunion. Donc c'est là où j'ai fait mes premiers pas d'élève dans des écoles ordinaires, d'abord en maternelle et puis au primaire, dans un centre spécialisé qui s'appelle le Centre de la Ressource où j'ai appris le braille, le maniement de la canne, et caetera. Tous les rudiments qui permettent d'être un peu plus autonome. Ensuite, j'ai fait mon collège en intégration, toujours sur l'île de la Réunion, avant de venir en métropole pour le lycée à Paris, donc à l'Institut National des Jeunes Aveugles où j'ai fait ma classe de seconde. Ensuite, j'ai fait une première et une terminale scientifiques au lycée, au lycée Buffon, en intégration, en inclusion. Je ne sais plus très bien quel terme il faut utiliser parce que ça évolue. C'est le témoin des années qui passent, que les terminologies évoluent. En tout cas, à mon époque, on appelait ça l'intégration. Et ensuite l'université où j'ai fait d'abord une première année de math informatique, de maths appliquées à l'informatique et à l'économie à l'université de Paris Dauphine. Et avant de faire du droit ensuite, essentiellement à l'université Paris II qu'on appelle aussi Panthéon-Assas où j'ai fait notamment un master de droit des affaires et fiscalité et un second master de droit bancaire et financier. En parallèle de ce dernier, j'ai également fait l'école de formation du barreau de Paris qui est accessible suite à un concours qu'on appelle le CFPA qui ouvre la porte à la profession d'avocat. Et c'est comme ça que je suis arrivé au métier que j'exerce aujourd'hui. D'accord. Est-ce que tu as appris le braille durant ta scolarité ? J'ai appris le braille quand j'étais tout petit, au CP, donc au moment ou les autres apprenaient à écrire de manière traditionnelle, j'apprenais le braille. J'ai également appris le braille abrégé. Mais mes enseignants me disaient que j'étais un brailliste tout à fait mauvais, que j'inventais mon propre braille. C'est une manière élégante de dire que je n'appliquais pas exactement et rigoureusement les consignes qu'on me donnait. Mais oui, oui, je l'ai appris, je l'ai utilisé pendant très longtemps. J'ai eu mon premier ordinateur en seconde, donc assez tardivement. Au final, et pendant toutes mes études précédentes, ma scolarité précédente, c'était le braille. D'accord. Et c'est intéressant parce que effectivement, tu as un parcours avec cette alternance de milieu spécialisé et d'inclusion ou d'intégration à l'époque. Parcours en milieu spécialisé Aujourd'hui, c'est un peu décrié le milieu spécialisé. Il n'y a pas mal de polémique sur l'école inclusive, et caetera. Et quelle est ta vision des choses avec ton expérience très riche ? Alors, j'ai une double vision, c'est-à-dire une vision un peu idéologique, un peu dogmatique, qui serait de dire : "ben oui, il faut promouvoir l'inclusion et il faut promouvoir l'idée que quand on est en situation de handicap, on a vocation à être inclus, si on veut dire ça comme ça, dans le monde ordinaire, puisqu'on se conçoit nous-mêmes comme des personnes tout à fait ordinaires qui souffrent uniquement de situations dans lesquelles elles sont en plus ou moins handicapées". Ça, c'est la partie théorique. La partie pratique pour faire part de mon parcours, c'est que moi, j'ai personnellement adoré mes expériences en milieu spécialisé, mes trois années à l'internat. Alors, les trois années ont été un peu différentes parce que j'étais en internat, donc j'étais toujours à l'Inja. Mais disons que le fait de côtoyer des personnes déficientes visuelles ou aveugles a été pour moi une source de richesse, de découverte, puisque j'ai appris énormément de choses au contact de ces personnes-là. Tout bêtement, des techniques informatiques, des techniques de locomotion, des petites astuces qu'on apprend l'air de rien en fait, qui ne sont pas dispensées comme un cours, mais qu'on apprend au détour de conversations, au détour même d'activités qu'on peut partager. Et moi, du coup, j'ai un peu cette idée qu'on doit pouvoir en fonction des moments de sa vie, en fonction de ce qu'on a envie de faire, à des moments de ce dont on a besoin, on doit donc avoir le choix. En fait, ce qui nous manque en tant que personnes en situation handicap, c'est d'avoir le choix. Est-ce qu'on a le choix à tout moment de faire sa scolarité en milieu spécialisé si on ne sent pas le courage ou si on ne se sent pas suffisamment prêt pour aller dans le milieu ordinaire et en milieu ordinaire si on a envie d'y aller ? Et voilà. Donc, je crois qu'il faut continuer à donner le choix. C'est ce qui me semble être le plus important. Donner le choix entre le choix de milieu ordinaire ou spécialisé et le choix aussi de parcours, d'orientations. Et à ce niveau, est-ce que toi tu estimes avoir pu... Tu as eu une sorte de réorientation durant tes études. Comment s'est fait ton cheminement au niveau de tes choix d'études supérieures ? Parcours scolaire J'ai fait un bac scientifique avec une spécialité en maths. À l'époque, j'étais bon sans être un élève surdoué, mais j'ai toujours eu un parcours scolaire sans complexité. Donc je n'avais pas de difficultés au lycée, au collège et à l'université. Donc c'est assez naturellement que je suis allé en maths informatiques. Et là, effectivement, j'ai dû faire face à un peu plus de complexité. D'abord parce que tout le monde le sait, ou beaucoup le savent, le matériel adapté en sciences pour les déficients visuels ou pour les non-voyants, et assez rare. Il l'était encore plus il y a quinze ans. Il le demeure toujours et c'est une vraie difficulté d'accéder aux ressources qui permettent d'acquérir le savoir. Ce qu'il faut comprendre, c'est que quand on est étudiant, on est un peu moins cadré et donc il y a plein de choses qu'il faut aller découvrir par soi-même. Les autres étudiants passent du temps à la bibliothèque à feuilleter des livres pour compléter des notes qu'ils n'ont pas bien comprises, des concepts qui leur sont un peu étrangers ou peu familiers. Et c'est à toutes ces ressources-là auxquelles je n'avais pas accès. Pour parler un petit peu technique, j'ai dû apprendre un langage qui s'appelle le Latex, qui est un langage que les que les personnes qui font des sciences utilisent beaucoup, qui est assez austère mais qui en tout cas permet de lire dans un format brut qui ressemble peu ou prou au langage un petit peu informatique, de lire des polycopiés par exemple, qui lorsque le Latex est converti, il donne un pdf. Donc le polycopié que le prof va distribuer en cours. Voilà. Mais en tout cas, j'ai fait face à certaines difficultés d'accès à l'information. J'ai pu tout de même valider mes matières. Mais c'est au prix d'efforts qui n'étaient pas en adéquation, en correspondance plutôt avec le résultat que j'aurais pu espérer. C'est-à-dire que je consentais beaucoup d'efforts pour atteindre la moyenne. Donc c'était un peu désagréable. Beaucoup de mon temps était consacré à de l'adaptation ou à aller chercher l'information. Je passais trois heures à écrire à des profs de l'université en leur demandant : "par hasard, vous n'auriez pas tel polycopié en Latex pour que je puisse le lire ?" Donc, voilà. Mais juste pour terminer sur ce point-là, le choix de faire du droit était plutôt lié à une découverte de cette matière dans le cadre de cours un peu accessoires à notre formation en maths informatiques appliquées où j'ai découvert le droit où je me suis dit "ouais, ça me plaît vraiment et c'est quelque chose dans lequel je me vois bien avoir une vie professionnelle future". Donc c'est des contraintes techniques, mais pas véritablement. C'était plus un choix, un choix, on va dire, fait par goût plutôt que par contrainte. Et justement, pour compléter un peu, faire le tour un peu du milieu étudiant, est-ce que tes relations, la cellule handicap par exemple, l'entourage étaient prèsents ? Quels ont été les leviers ou les freins? Dans le monde universitaire, donc, on a parlé du Latex et de l'accès aux ressources scientifiques qui est un premier point. Mais voilà, est-ce qu'il y a d'autres des éléments que tu retiens de cette période-là ? Un peu dans une logique de toujours de partage d'expériences, puisque pas mal de personnes qui nous écoutent ce soir ou qui nous suivent sur YouTube se posent ces questions -là, sur l'accessibilité des études. Moi, j'ai un rapport assez particulier avec toutes ces cellules-là et toutes les adaptations. Il y a effectivement plusieurs écoles. Moi, j'ai toujours été dans mon parcours, un peu récalcitrant à ça. J'aime beaucoup faire les choses par moi-même, ce qui parfois peut être un défaut, mais mais c'est un peu comme ça que je fonctionne et que j'ai toujours fonctionné. Et par exemple, j'ai jamais réussi à travailler avec un secrétaire pour les examens ou j'ai beaucoup de mal à me faire lire des polycopiés. J'ai beaucoup de mal à travailler avec une autre personne. Donc, du coup, il y avait cette possibilité-là que j'ai peu exploitée. Et ça se traduisait également dans les rapports avec les cellules Handicaps que je ne voyais pour ainsi dire pas, puisque j'avais dans l'idée d'essayer de faire les choses par moi-même autant que possible et donc les relations, se limitaient à leur dire : "bon, j'aurai besoin des examens en format numérique pour pouvoir les lire et je rendrai ma copie sous format numérique également". Et ensuite, les échanges, on va dire techniques, se passaient souvent avec les professeurs des matières en leur disant : "bon, écoutez, est-ce que vous avez ce cours par exemple en Latex ? Est-ce que vous l'avez en doc ? Est-ce que ça vous va, si pour le jour de l'examen je travaille de cette manière et je rends une copie qui est imprimée ? Alors l'avantage, c'est toujours une question un peu difficile, c'est que quand on rend des copies informatiques, on se dit : "quid de l'anonymisation ? Et quid du fait de ne pas être identifié ?" C'est un sujet important et il faut se le poser. J'ai eu beaucoup de chance. J'ai toujours été dans de grosses universités et on a toujours une dizaine, une quinzaine d'élèves qui ont des situations de handicaps variés mais qui sont amenés, pour des raisons ou d'autres, à écrire sur l'ordinateur pour leurs examens. Donc ça a facilité l'anonymisation de la copie en ce sens qu'il y avait une quinzaine ou une vingtaine de copies qui étaient rendues sous format numérique. D'accord. Donc une sorte de pseudo anonymat ? Exactement. Effectivement, si on est le seul à rendre une copie à son prof en Latex le jour de l'examen, qu'il n'y a personne d'autre qu'il le fait, on peut se poser la question et ce n'est ni équitable pour les autres, ni pour soi-même. Ce n'est jamais très réjouissant d'avoir une note dont on ne sait pas très bien si le handicap a été pris en compte d'une manière ou d'une autre. Oui, je me rappelle à l'époque, j'ai fait mes études à peu prés en même temps que toi, il y avait même des possibilités d'anonymiser. Des gens recopiaient à la main. C'était très fastidieux. Et n'ai jamais. Moi, quand j'ai passé mon Bac, on me disait : "non, mais la règle, c'est qu'il faut un secrétaire". J'ai dit : "écoutez, vous êtes bien gentils. Je ne sais pas travailler avec un secrétaire. Je n'ai pas envie, je ne sais pas. Donc je vais rendre ma copie comme le droit me le permet". J'étais déjà un peu légiste. J'avance un petit peu dans ton parcours. Parcours professionnel Est-ce que tu as pu faire les différents stages, et peut-être les échanges à l'étranger, dans le cadre de ton cursus pour aller jusqu'à ton insertion professionnelle ? Quelle a été la suite du parcours ? C'est un témoignage un peu peut-être original de ce point de vue, mais j'ai toujours fait face, dans tout mon parcours, à des gens de bonne volonté, de bonne composition. J'ai jamais eu en fait de portes qu'on me fermait ou je sentais qu'on ne voulait pas que je vienne dans ce type de milieu, et caetera. Donc, de ce point de vue là, j'ai toujours eu soit beaucoup de chance ou soit c'est le parcours qui fait ça, les structures. Mais du coup, pour les stages, c'est un peu la même chose. J'étais dans un master 2 à l'université de Paris Panthéon-Assas et on avait au début de l'année un stage obligatoire. Il fallait qu'on trouve un cabinet où le faire. On avait une liste de cabinets partenaires du master. J'ai postulé comme mes camarades. J'ai eu des propositions comme eux. En fait, ça s'est fait très naturellement. J'ai vraiment pas eu à aucun moment de mon parcours où je me suis dit : "mon Dieu, le handicap va être un obstacle insurmontable". Et c'est peut-être même un peu l'inverse, parce qu'il faut être totalement honnête, quand on est dans des cursus considérés à juste titre ou non, mais disons comme comme étant des bons cursus et quand on est en situation de handicap, on attire un peu plus l'attention. Forcément, quand on fait des petits-déjeuners où les cabinets reçoivent l'ensemble de la promotion et que moi, j'arrive avec ma canne, ils vont plus se souvenir de moi que des autres du seul fait que je suis non-voyant. En fait, c'est un atout. C'est un atout. Alors, ensuite, il y a des inconvénients qui sont liés au fait d'expliquer comment on travaille et de convaincre qu'on pourra travailler. Mais en tout cas, dans cette étape du fait de ne pas être noyé dans la masse des CV que les cabinets vont recevoir, on a parfois un petit avantage si on a eu l'occasion de croiser les personnes en général, elles se souviendront de cet étudiant non-voyant qui a envie de faire du droit. Et quels seraient les quelques conseils que tu pourrais donner à des personnes qui se posent ces Conseils pour les non-voyants questions-là et qui veulent se projeter dans les métiers du droit ou, de manière générale, dans les études supérieures? Je crois, moi, qu'il ne faut absolument pas négliger ce qui pour nous est négligeable. D'abord, c'est à dire tout ce qui est la forme. Je parle des métiers du droit parce que ce sont ceux que je connais le mieux, sans doute est-ce valable pour d'autres, mais en tout cas en droit, la question de savoir comment on se présente en habillement par exemple, tout bêtement. La première fois que je suis arrivé à mon cours de master 2, la directrice de Master, qui est une femme remarquable, nous a dit à tous : "Écoutez, demain tous les étudiants, vous venez en costume gris et en cravate. Voilà, vous choisissez la couleur que vous voulez pour la cravate, mais quelque chose de sobre, du bleu ou du gris". Et j'avais trouvé ça génial, parce que pour des gens qui n'ont pas les codes de ces milieux, alors je dis c'est valable pour quand on est non-voyant un peu plus que pour les autres, mais c'est aussi valable pour des gens qui sont de milieux plus modestes. Moi, je viens d'un milieu plus ouvrier. On n'avait pas l'habitude de côtoyer des gens, des notaires, des gens où l'apparence est si importante. Et donc, c'est important d'avoir ces codes-là pour, dès le départ, indiquer aux gens :" OK, on a envie d'appartenir à votre univers et on connaît un peu les codes de cet univers. On n'est pas totalement détonnant." Parce qu'on est dans des métiers de service et que, au delà de convaincre celui qui va nous employer, il faut que lui, sa structure, elle arrive à convaincre des clients. Donc en fait, l'image n'est pas tellement importante pour le cabinet, mais elle est importante par ce qu'il va renvoyer à ses clients. Et donc je prends la question de l'habillement, mais c'est également valable pour la forme des CV, la forme des éléments qu'on va rendre, des mémoires, des notes qu'on va faire. Si aux premiers travaux qu'on nous confie, on va rendre quelque chose qui n'est, d'un point de vue de la forme, pas du tout acceptable ou pas du tout dans les standards, peu importe le contenu, en fait, la personne va voir ça. Elle va se dire : "mon Dieu, si je dois passer mon temps à faire de la remise en forme avant de commencer à lire ce qu'il me propose, ça ne va pas le faire. Je ne vais jamais plus faire appel à lui". Et ce qui est un peu traître dans ces milieux là, c'est que personne ne viendra jamais vous dire ça. Évidemment, personne ne vient nous dire "Écoute, toi jeune étudiant non-voyant, il faut que je t'explique : la forme, c'est vachement important. Si tu corresponds pas à nos standards de forme, je ne pourrai pas bosser avec toi". C'est tellement tabou. Il y a un tabou absolu et ça va se faire de manière autre. La personne ne fera plus jamais appel à toi et tu vas te morfondre dans ton bureau à te dire "qu'est -ce que je fais dans ce métier ?" Mais tout ce que tu dis là est vrai également pour la vie professionnelle. Bien évidemment, ce n'est pas absolument circonscrit aux études. Absolument. Ce qu'il faut comprendre, c'est que les stages sont les moments où on marque ou pas l'esprit des gens. Et c'est des milieux souvent très très étroits et quand ils vont vouloir t'embaucher ensuite, à la sortie de l'Ecole du barreau, ils vont passer un petit coup de fil aux gens chez qui tu as fait des stages en disant : "comment ça s'est passé alors ?" Les gens ne vont jamais dire ça s'est mal passé. Mais entre dire "Ah ouais, ce n'était pas mal, c'était bien, c'était calme, bien" et dire "il est vraiment très bien, je te le recommande, et caetera", évidemment, il y a un pas et ce pas-là, on ne le franchit que quand on correspond au moins sur la forme, parce qu'au début, il n'y a que ça qui démarque. Quand on est stagiaire, on ne va pas avoir une plus-value de fond. On ne va pas révolutionner le métier d'avocat et donc il faut au moins coller aux standards de forme. Et nous, c'est quelque chose qui... Moi, en tout cas, c'est une chose qui pendant longtemps me passait un peu au dessus. Je me disais : "Bon, sur le fond, je pense que je ne suis pas mauvais, ça va le faire. Tant pis pour eux s'ils ne sont pas prêts alors." Et en fait, ça ne marche pas comme ça. Ouais et donc maintenant, dans ta vie professionnelle, depuis quelques années maintenant, tu travailles comme avocat. Avocat d'affaires, c'est-à-dire que tu ne plaides pas, si j'ai bien compris. Très peu. C'est très très rare. C'est rare. Voilà quels sont un peu les difficultés ou les besoins, en tout cas en solutions de contournement ou autre solutions que tu as pu mettre en place pour pouvoir exercer la profession de manière "normale" ? Ce qui est intéressant dans la manière dont notre métier est fait, c'est qu'il est très hiérarchisé, Difficultés du métier en tout cas dans le type de cabinet dans lequel je travaille. Les cabinets qui comptent une centaine ou 150 avocats. Et il y a évidemment des niveaux d'expérience différents. Et en fonction de ce niveau d'expérience, on a des tâches qui évoluent. La vraie difficulté à se situer au début du cursus, quand on est en première ou en deuxième année, ou là, on a des tâches qui nécessitent un minimum de voir. Typiquement, pour parler un peu des termes techniques, on va faire des signing. Ce sont des moments où tout le monde va venir dans une salle et il y a une quinzaine de contrats par personne à signer et il faut qu'on ait en premier, en deuxième année, vérifier que tout le monde a bien signé là ou il fallait. Evidemment, là... On est un peu embêté. C'est délicat. Au delà de se dire : pourquoi j'ai fait cinq ans de droit pour faire ça... Mais donc du coup, il faut être totalement conscient de ce qu'on peut faire et de ce qu'on ne peut pas faire et le savoir et bien connaître le métier pour pouvoir le moment de l'entretien, dire aux gens avec qui on a vocation à travailler dans le futur, moi je peux faire ça, ça et ça. En revanche, sur ce type de tâches, je suis totalement inefficace. Ce n'est pas du tout la peine de compter sur moi pour ça. Donc mettons nous d'accord maintenant. Si j'ai vocation à venir chez vous, ce ne sera pas pour faire ça. De toute éqnière, je pourrais pas le faire, mais ne vous attendez pas à ce que je puisse faire ça. S'il y a un besoin, si le besoin essentiel, c'est d'avoir quelqu'un qui puisse faire 20 signings par semaine, évidemment, il ne faut pas me recruter. Mais paradoxalement, de dire ça, ça rassure les interlocuteurs parce qu'ils se disent "OK, voilà quelqu'un qui a réfléchi sur ce qu'il peut faire et qui ne nous dit pas : "je peux tout faire. Moi, je suis un génie, je suis un warrior, il n'y a pas de problème". Il est aussi conscient de ce que dans le métier, il ne pourra pas faire". Et c'est un avantage parce qu'aucun junior n'aime faire ce type de tâches et moi j'y échappe. Tu es passé directement senior en fait ? En tout cas, j'ai eu la chance. Mais c'est pour dire qu'il y a dans mon métier, il y a des choses que je n'ai jamais faites et ça peut s'avérer être une petite difficulté parfois parce que maintenant, je suis un petit peu plus senior. Et quand il y a un junior qui est là, qui me dit : "du coup, comment on fait pour tel truc ?" Je lui dis : "honnêtement, je n'en sais rien, parce que je n'en ai jamais fait". Et au moment où tu t'as commencé à t'organiser avec ton management, tes collègues, pour ne pas Management des collègues avoir à faire ces tâches-là, comment ça s'est passé ? Est-ce que ça a été bien compris par tout le monde ? Et tu as fait plus d'autres choses, j'imagine, pour compenser? Exactement. Oui, j'ai fait plus d'autres choses et ça a été très bien compris par le fait que j'avais expliqué dès le début en fait, que ce n'était pas une tâche sur laquelle il fallait m'attendre, il fallait me staffer. Et du coup, ça se faisait assez naturellement. Ça retombait un peu plus sur mes collègues de la même séniorité qui qui étaient un peu mécontents, j'imagine. Mais hormis ça, il n'y a pas eu de difficultés. Ensuite, dans mon travail quotidien, je pense qu'il n'y a pas vraiment d'adaptation particulière. La seule chose qui est un peu vraie, c'est que j'ai la chance, on a tous la chance, tous les avocats du cabinet, d'avoir des assistantes qui font justement tout ce travail de mise en forme. Alors elles le font naturellement un peu plus sans doute pour moi que pour les autres, parce que parfois je fais des petits copier-coller. Il y a la police du texte d'origine qui vient se greffer et ça fait un truc multicolore. Donc l'assistante a un peu plus de boulot j'imagine. Et puis, comme on n'a pas vraiment le temps, je ne fais évidemment pas attention aux alignements, aux interlignes, aux espaces, et caetera. Bref, tout ça pour dire que ce n'est pas négligeable tout ce que je dis là, parce qu'en réalité, je ne pourrais pas faire mon métier sans elle. Clairement, si demain je n'ai pas d'assistants, alors je peux envoyer un mail évidemment, mais faire un mémoire ou une note ou un contrat et l'envoyer au client sans que cela ait été revu par une assistante pour que la mise en forme soit OK , je ne pourrai pas le faire. Ce serait mettre le cabinet, en tout cas, l'image du cabinet un peu en péril. Donc c'est un aspect important de mon boulot. Et ensuite maintenant encore davantage puisqu'il y a des juniors qui travaillent avec moi sur des dossiers et il y a un double filtre, du coup : l'assistante et l'assistante ou l'assistante et le junior qui qui mettent un peu plus de confort dans cette gestion de la forme. J'en parle beaucoup, mais c'est que le métier d'avocat est un métier où on s'attend à ce que le produit fini soit, le client s'attend à ce que le produit fini soit parfait. Et pour éviter de se prendre des remarques par le client, parce qu'évidemment le client ne va pas nous challenger sur le fond du dossier, il va échanger sur ce qu'il voit en premier et ce qu'il voit en premier, c'est la forme. Et qui qui peut du coup le repousser. Ne pas lui donner envie de rentrer dans le fond et de lire vraiment ce qui est écrit. D'accord. Donc, si je résume un peu les conseils, c'est vraiment s'attacher à la forme, ne pas la sous-estimer du tout, bien au contraire. Les conseils de Gaël Rivière Également être tout à fait transparent, si je puis dire, vis-à-vis de ces limites et être à l'aise par rapport à ça pour mettre en confiance finalement l'interlocuteur. Est-ce que tu aurais d'autres d'autres conseils ? Il faut évidemment être bon sur le fond, ça se voit aussi si on ne l'est pas. Ça me permet de rebondir sur un sujet. Il faut évidemment prêter une attention importante... Alors là, je vais parler de choses que je connais , donc dans le milieu du droit, il faut évidemment faire attention à ses choix de master et ses choix d'université et de parcours ou d'école de commerce. Il y a beaucoup d'avocats qui font des écoles de commerce en parallèle. C'est d'ailleurs assez valorisé dans les parcours. Il faut faire attention, comme pour les étudiants qui ne sont pas en situation de handicap. Mais on n'aura pas de passe-droit si on n'a pas la bonne formation pour pouvoir être invité à la table et concourir avec les autres et potentiellement bénéficier du petit avantage d'être non-voyant et avoir fait les mêmes parcours que les autres, eh bien, il faut au moins être solide sur sur la formation et ça implique de bien la choisir. Parce que d'avoir un parcours qui correspond aux attentes du milieu auquel on veut appartenir ou du métier qu'on veut exercer... Si je prends l'exemple des Masters que j'ai eu la chance de faire, c'est ceux qui sont le plus représentés dans les cabinets dans lesquels j'avais envie de travailler. Et forcément, il y a un esprit de promotion, un esprit d'alumni qui fait que, quand arrive à entrer dans ces masters-là, on côtoie naturellement lors de réceptions, de réunions, de réunions d'anciens, les gens qui sont dans les cabinets dans lesquels on a envie d'aller et qui ... Le milieu est très important. Les relations sont très importantes. C'est un peu regrettable. On a envie de croire en l'idéal de l'école de la République qui est égale pour tout le monde et qui permet à tout le monde d'aller où il veut. Mais en fait, les connaissances, les relations sont en tout cas dans le milieu des avocats et du droit assez importantes, et je crois que c'est assez vrai pour beaucoup de métiers. Je vais maintenant me tourner vers Stéphanie. Au niveau du chat, y'a-t-il quelques questions qui sont arrivées ? Absolument. Bonsoir Messieurs, bonsoir Gaël, bonsoir Thibault. Des questions sont arrivées sur effectivement l'aspect étudiant et professionnel de votre L'aspect étudiant et professionnel de son parcours parcours. Il y en a quelques-unes. Je ne vais peut-être pas forcément vous les donner dans l'ordre éditorial de ce que vous avez dit. Mais par exemple, on se demande si vous avez toujours eu conscience de l'"atout" que votre handicap visuel peut représenter quand il est au final bien porté et bien mis en avant, si j'ose dire. Ou est-ce le fruit d'une évolution? Je me suis un peu rendu compte de cela au fil de mon parcours. Ce n'était pas du tout évident. Mais d'ailleurs, c'est un atout, et en même temps, c'est parfois plus que ça. C'est parfois même un handicap, mais dans un sens assez particulier qui est que quand vous avez de bonnes notes ou que vous avez un parcours intéressant et que vous êtes non-voyant, les gens ont tendance à penser que du coup, vous avez des qualités que vous n'avez pas. Alors vous êtes juste un bon étudiant et le fait d'être non-voyant, on va considérer que vous êtes surdoué. Vous avez des qualités hors du commun ou très particulières. Donc c'est un atout, je m'en suis rendu compte, parce que les gens le disaient et justement me prêtaient des qualités particulières en me disant "tu dois avoir une mémoire démentielle. Tu dois être extrêmement intelligent" quand je faisais des maths parce que je comprenais un peu ce que le prof expliquait. Alors que évidemment, comme tout le monde, j'avais passé six heures la veille à essayer de comprendre le théorème. Donc pas de secret particulier là-dessus, mais le fait d'arriver à faire la même chose, ou parfois un petit peu mieux que la majorité des autres, la même chose qu'eux, mais avec, on va dire, un peu plus de résultats, c'est vu comme comme une qualité et parfois ça aide. Les gens associent ça à des dons un peu surnaturels. L'acquisition des bonnes pratiques Vous avez parlé d'images et de formes qui n'étaient pas à la base des préoccupations de votre milieu d'origine, avez-vous dit. Nos spectateurs souhaiteraient savoir comment vous avez acquis les bonnes pratiques ou les bons usages, les bons réflexes. Alors j'espère les avoir acquis. Je ne suis pas totalement sûr. J'ai eu la chance de croiser des gens qui, des amis de promo, des professeurs aussi, notamment celle dont je parlais tout à l'heure, qui n'avaient pas de frein particulier par rapport au handicap. Et du coup, n'avaient pas peur de me dire certaines choses. Par exemple, je parlais du costume tout à l'heure, mais ça peut être plein d'autres choses. Je me souviens de ma collègue de bureau qui, au tout début de quand on est arrivés, on est arrivés en même temps et j'envoie un mail, me dit : "Franchement, ta signature, ça ne va pas du tout. Elle est horrible, il y a un problème". Donc oui, il faut avoir la chance de croiser des gens qu'on met suffisamment à l'aise par rapport au handicap pour qu'ils n'aient aucun frein s'agissant de nous donner les bons codes et les bons usages, en fait. T'as besoin de savoir si tu as une tâche, par exemple. Exactement. Mais la plupart du temps, les gens se disent : "franchement, il a une tache, mais il est non-voyants, ce n'est pas très grave". Thibaut, est-ce que j'ai droit à deux autres questions? Accompagnement lors de la réorientation Bien sûr Stéphanie. Alors, on se demande sur le tchat si vous avez été bien accompagné lors de votre réorientation étudiante, même si vous nous avez expliqué que vous aviez peu de relations avec avec les cellule handicap de l'université. Mais est ce que vos enseignants, les équipes pédagogiques quand même vous ont accompagné ou est-ce que ça a été plus compliqué que si vous aviez été un étudiant voyant, selon vous ? Alors au moment de la réorientation, pour tout dire, il n'y a pas eu de relations particulières avec le corps enseignant. J'ai juste décidé de faire du droit. Je me suis inscrit, je suis arrivé à la cellule handicap, à la personne qui avait un taux horaire pour s'occuper du handicap à Paris 2 et qui m'a expliqué qu'ils étaient en panique parce qu'ils n' avaient jamais eu d'étudiants non-voyants, qu'elle ne savait pas du tout comment ça allait se passer. Et moi, je lui ai dit : "ne vous inquiétez pas, ça va très bien se passer. Il suffit que j'ai les documents en les polycopiés, éventuellement en Word et les fiches de TD en Word. Et on va y arriver". Donc pas de relation particulière: Comme dans mon parcours en général, je me tiens aussi éloigné que possible, si je peux dire, de ce type d'organismes, de ce type de structures, cellules handicap et caetera. Non pas parce que j'ai une aversion particulière pour eux, mais plutôt parce que j'aime bien l'idée de réussir à faire par moi-même le plus de choses possible. Et donc ce n'est pas, ce n'est pas un réflexe d'aller vers le corps enseignant pour savoir comment on va adapter les choses. En amont, en tout cas, j'ai fait mes choix d'études d'abord et ensuite je me suis dit comment on va les adapter. C'est plus simple, ou je ne sais pas. Mais en tout cas, j'ai, c'est comme ça que j'ai raisonné à l'époque. Comme Thibault est très professionnel, ses équipes lui font des transitions. Concilier les impératifs professionnels et sportifs Et la dernière question que j'ai à vous poser pour cette série, c'est un peu, je crois, la transition avec la suite. C'est la première question qui est arrivée sur le tchat. On se demande comment vous concilier les impératifs de vos agendas professionnel et sportif, puisque je crois qu'il va être question de sport. Alors comment je les concilie ? Alors, je ne sais pas si j'arrive toujours à les concilier correctement. En tout cas, ce que j'essaie de faire, c'est de faire des priorités. C'est -à-dire que jusqu'à présent, dans ma vie, ça a été d'abord les études, puis le milieu professionnel, la vie professionnelle avant le sport. Donc, partant de là, il ne s'agissait pas de négliger le sport, mais de dire bon, l'objectif, c'est d'abord de réussir ma vie étudiante, puis ma vie professionnelle. Et si je peux en parallèle avoir une activité sportive et une activité sportive, éventuellement de haut niveau, évidemment, je vais me donner toutes les chances de le faire. Mais ce n'est pas la priorité. Cela étant dit, parfois, quand il y a des compétitions comme les Jeux paralympiques ou les championnats d'Europe, évidemment, j'ai envie d'y participer. Évidemment, pour y participer, il faut s'entraîner, se préparer. Et la conciliation entre les emplois du temps se fait un peu en fonction des moments. Je me souviens quand j'étais à la fac, j'ai essayé de beaucoup travailler au premier semestre, quitte à mettre les vacances de Noël de côté. Enfin, voilà, optimiser tout le temps que je pouvais avoir pour avoir les meilleures notes possibles et au second semestre, être plus tranquille et pouvoir éventuellement ne pas assister à des cours pour faire des entraînements. Ou voilà. Donc c'était un peu de l'adaptation de bric et de broc, si je peux dire ça comme ça. Et ça s'est poursuivi un peu, un peu comme ça jusqu'à maintenant. Par exemple, pour les Jeux de Tokyo, pour les championnats d'Europe, c'était un peu au jour le jour avec le cabinet, en voyant à quel moment je pouvais m'absenter pour aller m'entraîner. Quel jour je pouvais être en télétravail pour être plus proche du lieu d'entraînement et 12 h et 14 h, aller faire une séance, et caetera. Donc, il n'y a pas quelque chose de très structuré, que j'applique une méthode que j'appliquerai à tout moment. C'est vraiment en fonction des périodes et surtout en gardant en tête quelles sont mes priorités. Il faut les définir en amont. Enfin, c'est ce que j'essaie de faire en tous cas, et ensuite de concilier en fonction des moments. Et donc tu as une bonne écoute de la part de ton cabinet par rapport à ce sujet ? Oui, forcément, c'est un peu pareil d'ailleurs pour faire le parallèle avec la vie étudiante. Quand on a la chance de dire sur son CV qu'on va participer aux Jeux paralympiques, c'était mon cas juste avant mon master 2 en 2012, où pendant les entretiens... J'avais mis en bas du C.V. "Participation aux Jeux paralympiques de Londres". Évidemment, pendant tout l'entretien, on m'a parlé assez peu de mon parcours alors que j'avais mis tout ça bien en avant, en gras, en surligné, et caetera toutes les mentions ailleurs et on me parlait que des Jeux. Donc forcément, ça intéresse les gens, ça suscite un certain enthousiasme. Bon, après, le cabinet est là aussi pour être rentable, pour être productif. Forcément, ils sont un peu plus flexibles sur les normes. Mais quand il y a des impératifs sur un dossier, il faut que faut que je sois là. Et voilà. Justement, pour en venir à ce deuxième volet de ta vie, cette deuxième facette, ta vie sportive : tu es membre de l'équipe de France de cécifoot. Depuis combien de temps d'ailleurs tu ? Et qu'est ce qui t'as fait venir au cécifoot ? Quel est ton parcours ? Sur le foot, moi je suis un enfant de 98. J'avais 8 ans quand l'équipe de France a gagné la Coupe du monde. Et comme tous les, tous sans doute pas, mais une bonne partie des petits enfants, des petits garçons et des petites filles de neuf et dix ans, à cette époque-là, le foot est entré dans ma vie un peu de manière forte, je peux dire ça. Et oui, effectivement, j'ai eu envie de jouer au foot dès ce moment-là. A l'époque, il n'y avait pas des réseaux sociaux aussi développés que maintenant. Il n'y en avait même pas du tout d'ailleurs. Et du coup, je ne savais pas qu'il y avait des non-voyants dans le monde qui faisaient du foot, évidemment. Et donc, j'ai essayé de trouver avec des avec mes voisins un moyen de jouer. Et donc ce qu'on avait trouvé à l'époque, c'est de mettre un ballon dans un sac plastique pour pour qu'il fasse un peu de bruit quand il bouge. Et du coup, j'ai commencé à jouer au foot comme ça. Et c'est en arrivant à l'INJA que j'ai découvert qu'il existait du foot pour non-voyants, avec des règles, avec un ballon sonore, et caetera. Et j'ai commencé à jouer à ce moment-là au cécifoot en tant que tel. Et je suis arrivé en équipe de France en 2006 où j'ai fait ma première compétition qui était une Coupe du monde en Argentine. Donc c'était assez fou, parce que moi, deux ou trois ans avant, je jouais au foot avec trois voisins et mon frère devant chez moi, et ma mère me disait :"Arrête d'envoyer le ballon dans les fleurs, s'il te plaît" Et deux ans après, je me retrouve à faire une Coupe du monde en Argentine avec la pression de la compétition, avec des enjeux, avec des gens, des équipes en face qui avaient consacré des années à se préparer, et caetera Donc c'était assez fou, c'était assez vertigineux, ces premiers pas dans le monde du haut niveau. Bon alors, il faut parler un petit peu quand même de ce grand succès que l'équipe de France a obtenu Retour sur la belle performance de l'équipe de France il y a un petit peu plus d'un mois, début juin en Italie qui contraste effectivement pas mal avec Tokyo l'été dernier. Quel est ton retour-là sur cette belle performance ? Qu'est-ce qui vous a permis de gagner, à ton avis? Et peut-être à l'inverse, qu'est ce qui s'est passé à Tokyo ? Qu'est ce qui s'est passé alors ? Ce qui est bien avec le parcours de sportif, c'est que la première chose qu'on a apprend qu'on est sorti, c'est l'humilité. Moi, j'ai appris très vite parce que la compétition dont je parlais, la Coupe du monde en 2006, on finit à une cinquième place ou une sixième place, tellement anonyme. Et un an après, on échoue à se qualifier assez cruellement à ce qu'on échoue à se qualifier pour les pour les Jeux paralympiques de Pékin. Donc qu'en 2008 exactement et un an après, on est champions d'Europe, en 2009 en France et du coup, une des choses que je retiendrai de mon parcours de sportif quand il sera terminé, c'est vraiment cette idée qu'il y a rien d'acquis dans le sport et et parfois on pense être prêts, on pense pouvoir gagner et on n'a pas le brin de chance qu'il faut. Parfois, on est juste pas au niveau et les autres sont meilleurs. Et puis parfois, il y a à la fois la préparation qui est bonne et l'alignement des planètes qui est là et tout vous sourit. Et bien c'était un peu ça. Les championnats d'Europe 2022. À Tokyo, clairement, on n'y était pas. On n'était pas au niveau. Il y a bien évidemment les petits brin de chance qu'on n'a pas eu, qui peut-être, si on fait un meilleur, une meilleure entame de match et que, au lieu de marquer deux buts sur les deux premières frappes, les Japonais frappent à côté, peut-être la compétition est différente pour nous . Mais en tout état de cause, on n'était pas au niveau des autres. Et là, ce championnat d'Europe, et bien on s'est remis au travail, on est reparti aux fondamentaux, à la base et on a augmenté notre volume de travail un peu plus. On est allés avec beaucoup d'humilité, comme toujours en se disant on ne sera pas les meilleurs. Mais en tout cas, pour nous gagner, il faudra que les autres se dépouillent car on va essayer au moins de mettre de l'intensité, du volume de jeu, de l'engagement, et caetera. Et on a eu ce petit brin de chance qui fait qu'on gagne deux matchs aux tirs au but. Et forcément, les tirs au but, il y a une part qui dépend de nous et une part qui dépend des autres. Et les autres, nos adversaires en ont beaucoup raté dans ces séances de tirs au but. Et du coup, voilà, c'est une somme d'ingrédients qui font que parfois ça marche et parfois c'est un résultat. Et au delà de l'intérêt sportif, est ce que tu fais du cécifoot pour pour faire un peu plus que du sport ? Peut-être pour faire passer des messages ? Ou est-ce que pour toi non, c'est du c'est du sport et point ? Parce que ça ouvre quand même des fenêtres médiatiques, notamment les Paralympiques. Oui, absolument. La première chose, c'est que c'est une passion et que je fais ça parce que j'aime beaucoup ça. Et quand on a eu la chance de côtoyer un peu le haut niveau, on devient compétiteur même sans l'être au départ. Et quand on a goûté au plaisir de gagner, on a envie que ça se reproduise, et caetera. Donc ça, c'est, on va dire, le moteur principal. Il y en a évidemment plein d'autres. Et un de ceux-là, c'est effectivement utiliser le sport pour montrer que même quand on est en situation de handicap, on est capable de faire des choses. Et le foot et le sport, c'est sur ce thème-là, assez éloquent. Dire à quelqu'un : quand on est non-voyant, on est capable d'être scientifique, d'être avocat. Les gens vont se dire oui, oui, sans doute, mais ce n'est pas, ce n'est pas percutant. on va dire le sport, d'un coup, tout de suite, on a l'image et le son, si je peux dire ça comme ça. Et du coup, les gens sont assez vite persuadés de la capacité derrière la situation de handicap. Et quoi de mieux que le foot, le sport le plus populaire ? Tout le monde a tapé dans un ballon une fois dans sa vie, à essayer de faire du foot. Donc voir des non-voyants pouvoir faire des gestes de footeux, avoir des des réflexes de footeux, des attitudes de footeux, ça immédiatement, ça, ça je crois, ça arrive à persuader, à convaincre les gens du fait que même quand on a une situation handicap, on est capable de réaliser des choses. Et là, c'est encore plus fort parce qu'on parle d'une déficience sensorielle et que l'on met ça dans le cadre d'aptitudes physiques. Et je crois que ça, c'est un vecteur assez fort, assez puissant, en fait, le sport, pour faire changer les mentalités et que l'on arrive à convaincre, à persuader les gens que la situation de handicap ne signifie pas une une incapacité permanente. Oui, d'autant plus que toi, tu es non seulement un athlète handisportif, mais également qtu mènes une vie active en parallèle en conciliant les deux, comme on disait tout à l'heure. Et j'imagine que tu n'es pas le seul en équipe de France à tout mener de front. Ça, absolument. Il y en a. C'est d'ailleurs très intéressant de voir ça parce qu'on a un pourcentage de joueurs qui ont une activité professionnelle à côté qui est assez intéressante. On a des gens qui sont ingénieurs, kinésithérapeutes, qui travaillent dans des mairies... On a toute une série de gens qui ont une activité professionnelle en même temps. Et je pense que ce n'est pas un hasard parce qu'il me semble que l'activité sportive permet d'augmenter la confiance en soi, la confiance dans ses aptitudes et d'être plus à l'aise dans son rapport aux autres et au monde extérieur. Et forcément, ça se ressent. Je crois que ça se ressent dans la vie courante, dans son autonomie, dans la vie de tous les jours. C'est très intéressant. Ton engagement dans le sport ne se limite pas à être joueur puisque tu es Pourquoi candidater à la Fédération française handisport ? également responsable, membre du bureau de la Fédération française handisport, vice-président, je crois. Oui. Qu'est ce qui t'a amené à cela ? Pourquoi ? Pourquoi décider en plus déjà de ta vie professionnelle très active, de tes entraînements comme membre de l'équipe de France, pourquoi décider de candidater à la Fédération française handisport? Ma première candidature, c'était un petit peu un hasard. Quelques jours avant que le dépôt de candidatures soit clos, quelqu'un de la fédération est venu me voir en me disant : "écoute, tu as un parcours intéressant. Tu es déficient visuel. On se rend compte qu'il n'y a plus personne qui représente les déficients visuels au sein du comité directeur. Donc pourquoi tu ne candidaterais pas ? Et puis on verra si t'es élu ou pas". Je suis allé un peu en me disant "bon, je fais ça pour lui faire plaisir, mais pas grande chance que je sois élu puisque je connais personne parmi les électeurs du collège des électeurs". Et fondamentalement, je ne sais pas très bien pourquoi j'y vais. On est un peu venu me chercher et du coup, j'ai été élu et je me suis dit : "Bon, c'est bien beau, tu es élu. Mais maintenant, enfin, quel est le sens de ton engagement, en fait ? Pourquoi tu t'investis là-dedans ? Fondamentalement, idéologiquement, pendant longtemps, et toujours maintenant d'ailleurs, j'ai été assez réticent à l'idée d'une fédération multisports qui regroupe les personnes simplement du fait qu'elles sont en situation de handicap. C'est-à-dire que la fédération handisport, ce qu'elle rassemble avant tout, ce sont des personnes en situation de handicap et des sports différents, des handicaps différents. La cohérence c'est celle-là. Et moi, je suis un peu réfractaire à l'idée que ce qu'on a envie de retenir des gens pour les réunir, c'est leur situation de handicap. Ça, c'est l'idée un peu de base. Et ensuite, je me suis dit : "Bon, en attendant que tu sois président de la République ou Premier ministre et que tu changes tout ça, en l'état actuel, c'est cette fédération qui a ces prérogatives-là. Donc, tu ne feras pas avancer grand chose en étant à l'extérieur et en te plaignant. Essaie peut être d'être à l'intérieur et de faire évoluer les choses et d'évoluer toi-même, sans doute dans la perception que tu peux avoir du fonctionnement de cette institution". Et donc mon engagement est un peu un peu né de ça et de l'idée aussi de représenter... Je n'aime pas beaucoup ce mot et d'ailleurs je me souviens de la première fois que j'en ai parlé en comité directeur. Je leur ai dit : "OK, moi, je veux bien représenter les sports pour déficients visuels, mais je ne le fais que de manière temporaire parce qu'il y a un manque de cohérence dans notre politique à l'égard de ces disciplines". Mais je trouve ça aberrant parce que j'ai envie, j'ai envie de parler de ce que je connais. Et ce que je connais, c'est le développement du sport ou du sport de haut niveau en général, le développement de la pratique chez les jeunes puisqu'à l'époque j'étais jeune, le développement du foot parce que je fais du foot mais que ma porte d'entrée soit le handicap, ça me plaît assez moyennement. Mais il se trouve qu'il y avait et il y a toujours un déficit de développement des sports pour déficients visuels en général. Donc, on a été conduits à réfléchir de cette manière. Il y avait quand même un besoin. Exactement. Tu t'es trouvé aussi une utilité? C'est un peu toujours la balance qu'il faut faire entre le pragmatisme et le dogmatisme. Et j'ai plus je vieillis, plus je suis pragmatique, moins, je suis dogmatique. Et j'en viens à une dernière question avant de prendre des questions du tchat. C'est bien évidemment au sujet de ce qui va se passer à Paris dans deux ans, en 2024 donc, les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris. Alors là, c'est plutôt une question pour ta casquette de responsable à la FFH, mais aussi en tant que sportif et en tant que personne porteuse d'un handicap. Quels sont, selon toi, les grands enjeux, et puis potentiellement aussi tes espoirs par rapport à Paris 2024, que ce soit pour les joueurs ou les athlètes en situation de handicap, mais aussi pour le public qui va affluer à Paris pour assister à ces Jeux ? Votre vision des Jeux paralympiques ? J'ai eu la chance de vivre les Jeux de Londres et je nous souhaite de faire des Jeux aussi réussis. Notamment sur un aspect. Je vais citer que celui là, mais il y en a beaucoup. S'agissant des Jeux paralympiques, en tout cas, c'est que les gens viennent aux manifestations, aux matchs, aux courses pour voir des sportifs et pas des personnes en situation de handicap. Et pour arriver à ça, il faut une acculturation, il faut une éducation en amont. On essaye de la mener ici. Elle passe notamment par les médias, par des actions de sensibilisation, et caetera. Et je crois qu'on aura des jeux réussis. En tout cas, moi, j'espère qu'on arrivera à ça. À ce que pour prendre l'exemple du cécifoot, tous les gens qui seront au Champ de Mars ne viennent pas voir des aveugles qui jouent au foot, mais bien de voir du foot. Ça paraît extrêmement basique de dire ça comme ça, mais en réalité, on en est loin, un petit peu moins qu'avant, mais on en est encore à ce que les gens qui regardent des épreuves paralympiques cherchent pendant dix minutes quel est son handicap? Est-ce qu'il est plus handicapé que l'autre ? Et pourquoi est-ce qu'il n'a pas gagné ? Parce que lui, il bouge un peu mieux son bras et pas l'autre. Et pourquoi les non-voyants mettent un masque ? Est-ce qu'ils ne voient vraiment pas ? Parce qu'il fait un geste vraiment extraordinaire , je suis sûr qu'il voit. Voilà. On aura réussi le pari, je crois. Moi, en tout cas, c'est ce que j'espère et j'espère être dans les tribunes ou sur le terrain pour le ressentir. Mais on le ressent en fait en tant qu'athlète et en tant que spectateur, quand les gens sont pris par l'émotion de la performance sportive et oublient le handicap. Et je pense qu'on aura réussi à faire de ces Jeux une avancée pour les personnes en situation de handicap. Si on arrive à ce que le sport fasse oublier le handicap. Enfin, le gomme complètement, le masque. Qu'on se focalise effectivement sur la performance et sur la compétition entre les athlètes. Je ne crois pas me tromper, mais il me semble qu'en 2012, avec Londres, ça avait été la première fois qu'il y avait un temps d'antenne consacré aux Paralympiques qui était aussi aussi important. C'était un peu un tournant? Absolument. A Londres, ce qui aujourd'hui se fait un peu plus en France également, mais à Londres à l'époque, nous, on avait trouvé ça fou, on regardait les matchs de nos adversaires à la télé, sur les chaînes hertziennes et on trouvait ça dingue. Nous, on était sur YouTube et sur TV8 Mont-Blanc, en France. Alors, j'ai une sympathie infinie pour TV8 Mont-Blanc. Mais effectivement, là, les perspectives de nous voir étaient un peu réduites pour les spectateurs. Et à Londres, c'était Channel 4 qui diffusait ça. Ma mère qui était venue nous voir disait "football pour non-voyants" aux chauffeurs de taxis. L'un lui dit : "Ah oui, j'ai vu un match, c'était génial. L'Angleterre a bien joué. Enfin, ils parlaient foot. C'est agréable. Ils disaient pas : "ouais, c'est fou les non-voyants qui arrivent à jouer au foot". Et donc, s'agissant donc des enjeux, comment dirais-je, pour les joueurs, j'ai bien compris, et aussi pour la perception qu'on pourrait avoir de leurs performances... Pour en venir à des sujets plutôt pratico -pratiques, on dit souvent que grâce à Paris 2024, ça va permettre de faire un bond en avant au niveau de l'accessibilité, notamment dans les transports par exemple. Qu'est-ce que tu en penses? Est-ce que tu y crois? Est-ce que tu es déjà abusé? Je ne suis pas dans tous les petits papiers de l'organisation des Jeux de Paris 2024. Je crois malheureusement qu'on ne sera pas totalement au rendez vous. Puis l'accessibilité des transports, pour parler de celle-là, elle ne se fera pas, elle ne sera pas faite. Elle ne sera pas aboutie en 2024 et loin de là. C'est vrai que le sujet de l'accessibilité est sur la table et il l'est de manière récurrente. A toutes les réunions, il y a des personnes issues de fédérations ou d'organismes, du CPSF par exemple, qui sont sensibilisées, qui sont sensibles et sensibilisées à toutes ces questions d'accessibilité. Mais en dépit de cette prise en compte, il ne faut pas la nier, il est assez important que cela soit pris en compte et que les organisateurs ont de l'intégrer, tout de même je crois qu'on sera au résultat assez loin d'une accessibilité totale des transports, pour ne parler que de cela. Quand une personne en fauteuil ne pourra pas en 2024 accéder au stade de France seule, sans aide si elle vient de Duroc par exemple. ou en bus peut-être. En changeant cinq fois. Exactement, mais elle n'aura pas... Nous, ce qu'on demande le plus souvent, dans une situation de handicap, c'est d'avoir les mêmes choix que les autres. Si on a envie de s'ennuyer dans le bus, pourquoi pas ? Mais on voudrait aussi avoir le choix de le faire en métro. Je comprends. Et pour les déficients visuels, les métros qui sont toujours pas vocalisé par exemple, on nous le promet, je crois, pour 2032 ou 2030. Je crois que les calendriers se rallongent plus on s'approche des dates. Et s'ajoute à cela les contraintes économiques. Et on sait bien que le sujet de l'accessibilité, quand les contraintes qu'on a sur les coûts sont importantes, eh bien, le premier post ou l'un des premiers sur lequel on va se dire "peut-être que si on décale... Alors on ne va pas vous le supprimer, mais on va vous décaler dans le temps en étalant". Bien sûr... On trouve toujours des termes jolis. La petite mort qui est une manière d'annuler ou de renvoyer ça... ...Au prochain législateur, au prochain g ouvernement. Ok, merci pour pour ces éclairages et c'est très intéressant. On va prendre quelques petites questions. Stéphanie ? Oui, absolument. D'abord, on voudrait savoir si le cécifoot est un sport qui se développe. Alors c'est une bonne question. En nombre, c'est un sport qui se développe depuis quelques années puisqu'on a de plus en plus de pratiquants. En revanche, ce qui est assez juste, c'est qu'on a un petit peu de mal à renouveler nos générations de jeunes aujourd'hui pour des raisons un peu diverses, et que beaucoup de jeunes sont en situation d'inclusion dans des écoles et qu'il y a que quelques clubs en France de cécifoot. Donc souvent, il y a des problématiques de transport. Ça, c'est un des obstacles. Un autre, c'est que les parents sont parfois un peu réticents parce que le cécifoot, c'est un sport un peu physique et on sait qu'on a une petite tendance à vouloir surprotéger les personnes déficientes visuelles ou non-voyantes. Et du coup, quand on a son enfant qui a dix ans, qui est non-voyant, qu'on est parents, on est parfois un petit peu réticent à ce qu'il fasse un sport où il y a des contacts, et caetera. Donc on a un petit peu de mal en France à renouveler les générations et à avoir des jeunes qui viennent à dix ou onze ans comme des jeunes valides pourraient le faire en allant, en s'inscrivant dans un club de foot à l'entrée du collège. On compte combien de joueurs de cécifoot en France ? À peu près ? Alors il y a deux catégories, donc il y a les malvoyants et les non-voyants. Chez les non-voyants, on a une dizaine d'équipes, on a onze équipes et en général, dans une équipe, il y a six joueurs. Donc on est sur 70 ou 80 joueurs non-voyants. Et si on ajoute à cela les malvoyants, on est à environ 200 pratiquants sur le sol français. Tu disais que dans d'autres pays ils ont moins de difficultés de recrutement. Il faut comprendre aussi qu'il y a des modèles sociaux un peu différents dans les pays. Par exemple, en Chine, ils n'ont aucun problème de recrutement, mais parce qu'il y a des parce que là-bas, l'objectif sportif et est très important pour les personnes déficientes visuelles et que c'est une manière d'accomplir sa vie, en fait. Les perspectives d'inclusion dans la vie professionnelle ou dans la vie étudiante sont un peu plus réduites. En revanche, avec les Jeux de Pékin, il y a eu un accent assez fort qui a été mis sur le sport et du coup, sur le paralympisme notamment, parce qu'ils sont de très loin le pays qui ramène le plus de médailles aux Jeux Paralympiques. Et du coup, forcément, c'est ça. Ça peut être une vie, si je peux dire ça de cette manière, d'avoir une vie sportive pour beaucoup de jeunes déficients visuels. Au Brésil, par exemple, c'est pareil. Le foot est très développé. Là, c'est aussi culturel évidemment. Donc, dans d'autres pays, on a un développement qui peut paraître plus fort, mais ça tient aussi à des logiques qui sont particulières à ces pays -là. Alors justement, il est beaucoup question de football féminin ces temps-ci. Y-a-t-il des équipes de cécifoot de filles? Il y en a. Ça commence à se développer, notamment au niveau européen et mondial aussi. On commence à avoir quelques équipes en Asie, en Afrique. En France, on a des joueuses qui pratiquent en mixité avec des des joueurs de cécifoot dans des clubs. On a une équipe de France féminine qui s'est constituée il y a peu. Donc voilà, on est aux balbutiements de cette discipline pour les féminines. Mais il n'y a pas de raison pour que ça ne se développe pas à l'avenir. A l'issue de votre carrière de joueur, est-ce que vous vous impliquerez dans les instances propres au cécifoot pour le développement de ce sport? Un peu comme Michel Platini, par exemple. Les problèmes en moins, bien sûr. Du coup, forcément, je suis déjà un petit peu impliqué parce qu'en étant à la Fédération française handisport, je le suis. J'ai un peu une double casquette, joueur et vice-président que j'essaie de concilier au mieux. C'est toujours une question un peu difficile, celle de savoir quel rôle on veut jouer dans un sport dans lequel on a fait du haut niveau. Il y a souvent une petite période de deuil, pour employer un mot un peu fort, mais disons un moment où on doit accepter l'idée qu'on n'est plus sur le terrain. On n'est plus acteur, mais qu'on va simplement devenir quelqu'un qui accompagne le développement de la discipline. Donc je ne sais pas trop quel rôle j'aurais envie de jouer une fois que j'aurais mis un terme à ma carrière. Mais ce qui est sûr, c'est que je serai toujours passionné de foot, probablement toujours passionné de cécifoot, et que soit dans les instances nationales ou internationales qui ont en charge ce sport, je me vois bien m'impliquer. Je pense que je serai en tout cas tenté d'être toujours impliqué dans dans ces structures-là. J'ai une question un peu petit bout de la lorgnette, et puis après, j'en ai une plus sérieuse. Mais sur le tchat, quelqu'un souhaitait savoir si vous avez déjà rencontré vos collègues de l'équipe de France valides? Absolument. Et est-ce que vous avez le numéro de portable de Killian M'Bappé, nous demande-t-on ? Non. Il n'est pas partageur. Non, c'était il y a beaucoup plus longtemps que Killian M'Bappé, mais après la Coupe du monde 2006, on avait rencontré à Clairefontaine les joueurs de l'équipe de France de foot et on avait fait une séance d'entraînement et de sensibilisation avec eux, qu'on avait beaucoup aimé, parce qu'on avait eu l'impression en tout cas, qu'ils n'avaient pas été très longtemps bloqués par le handicap et que très vite, on en était arrivés à parler foot, en fait. Et ça nous avait beaucoup plu d'échanger sur nos stages d'entraînement. Pas d'égal à égal, mais de footeux à footeux. Vous voyagez beaucoup pour votre pratique sportive. Là, vous êtes revenu d'Italie. Vous avez un peu répondu à cette question quand vous avez parlé de votre présence aux Jeux Olympiques de Londres, mais le handisport est il plus développé ailleurs, en dehors de ce que vous avez dit de l'Angleterre, chez nos voisins italiens par exemple? Avez-vous vu d'autres approches, d'autres pratiques? Ah oui, et ça tient beaucoup aussi à la place du sport dans le pays en général. Le reproche est souvent fait à nos gouvernants par le CNOSF, le Comité National Olympique du Sport Français ou le CPA, le Comité Paralympique Sportif Français, d'avoir un gouvernement qui n'est pas assez pro sport ou d'être un pays dans lequel le sport ne tient pas une place suffisamment importante par rapport à d'autres. Donc évidemment, ça se ressent dans les sports, dans le handisport et dans les sports paralympiques. Ce que je veux dire par là, c'est que les Anglais sont beaucoup plus développés en handisport, mais ils le sont également en sport parce qu'ils y mettent beaucoup plus de moyens, parce que la place du sport dans la vie étudiante est plus importante, dans la vie publique, d'ailleurs, est plus importante. Donc ça, ça rejaillit naturellement sur le handisport. Pareil aux Etats-Unis où, comme la manière dont je parlais de la Chine tout à l'heure, effectivement le sport est un moyen pour le pays de rayonner internationalement. Donc il y a des moyens considérables qui sont mis sur le développement des disciplines. Et comme il y a autant d'exposition, enfin pas autant, mais en tout cas une exposition considérable sur les Paralympiques, eh bien ! ils ont pris le parti de développer ces sports. J'ai présenté ça de manière tellement intéressée, mais je pense que ça l'est un peu, en tout cas il y a une logique politique dans les moyens qui sont mis dans certains pays pour le développement de ces disciplines, parce que c'est une vitrine pour le pays. Est ce que ça veut dire aussi que les athlètes et champions handicapés sont pris en compte par les médias ? Mieux pris en compte aussi, même par les politiques ? Quelqu'un s'est demandé sur le tchat si vous aviez été reçus à l'Elysée ou au ministère, quelque part, quand vous êtes rentrés avec vos titres de champions d'Europe? Alors quand on est rentrés pour avec le titre de champion d'Europe, non. En tout cas, on ne l'a pas été. On lance l'appel. Si Emmanuel Macron écoute. Plus sérieusement, on n'a pas été reçus après le titre de champion d'Europe. En revanche, on avait été reçus après notre médaille d'argent aux Jeux de Londres, comme tous les médaillés des Jeux. On avait été reçus par Monsieur Hollande à l'époque qui nous avait remis la l'Ordre national du Mérite. Et du coup voilà, il y a quand même une prise en compte. Alors souvent comme on gagne plus qu'avant, on a quand même la reconnaissance. Et la prise en compte, souvent, elle est postérieure aux médailles et souvent elle est postérieure aux médailles des Jeux qui sont un peu le Graal dans nos disciplines. Quant à savoir si c'est un peu différent dans d'autres pays. .. La médiatisation, oui, même si on s'en rapproche. Dans les pays anglo-saxons, c'est un principe de base d'avoir depuis plusieurs années des retransmissions en direct d'événements de sport paralympique ou de sport handisport. C'est également une norme d'avoir des consultants qui sont en situation de handicap pour commenter des matchs de sport, valides ou pas d'ailleurs, ou des sports handi. Donc voilà, il y a une médiatisation qui est un peu différente. Je ne suis pas assez au fait des des mécanismes sociaux pour pour savoir si dans la société enfin quel est le regard de la société sur sur ces sportifs. Mais je pense que là encore, tout dépend de la place du sport dans le pays et de la place du handicap. Et nous, on sait qu'elle est celle du sport et celle du handicap dans le nôtre. Et forcément, ça explique aussi la place du handisport. J'ai une question un peu technique. Est-ce que dans d'autres pays, le cécifoot est géré directement par les fédérations de foot? C'est une très bonne question parce que c'est ça montre aussi la place que le handisport a dans ce pays. En Angleterre, par exemple, c'est la Fédération anglaise de foot qui gère le cécifoot. Donc forcément, ça veut dire une exposition plus importante et des moyens plus importants. Et même là, on est dans des univers qui sont absolument absolument incomparables. Entre le budget que peut allouer à la Fédération anglaise de foot pour la préparation de son équipe de cécifoot et le budget que peut allouer la Fédération française handisport à l'équipe de France de cécifoot, qui est une équipe parmi d'autres dans les sports qu'elle gère. Évidemment, on est dans des ordres de grandeur absolument pas comparables. Stéphanie, je ne sais pas s'il y a d'autres questions dans le tchat ? Non, je n'ai plus de questions. En revanche, j'ai un appel. On a reçu une demande il y a quelque temps d'un jeune homme qui voudrait faire du cécifoot mais qui essaye de rassembler des envies un peu similaires à la sienne, du côté de Gennevilliers, pour monter une équipe. Je ne sais pas s'il y a un club dans le coin. Je ne sais pas trop ce qu'il doit faire. Dans tous les cas, si des gens veulent le contacter, nous, on fera le relais. Et puis, si vous pouvez nous éclairer un peu, Gaël, sur ce que ce jeune homme devrait faire pour se lancer lui aussi sur le terrain. Oui, il y a trois clubs de cécifoot en Ile de France. Il y a le Bondy Cécifoot. Club auquel j'appartiens, qui, comme son nom l'indique, est situé à Bondy. Et il y a le club de Saint-Mandé qui est situé dans le dans le 94 et qui est localisé dans la ville de Saint-Mandé. Et puis le club de l'AVH Paris qui a des séances d'entraînement dans le 14ᵉ , si je ne me trompe pas. Et du coup, il peut se rapprocher de ces trois clubs s'il a envie de commencer par intégrer un club et pour prendre quelques marques et éventuellement à l'avenir, pourquoi pas créer sa propre structure. Merci. Merci beaucoup Gaël. Merci a vous pour l'invitation. Merci d'être venu pour partager ton expérience très riche. Donc je rappelle qu'il y aura un replay de cet échange qui sera disponible sur la chaîne YouTube d'apiDV dans quelques temps, quelques semaines. Vous serez informés. Et puis également à la rentrée, le podcast d'une douzaine de minutes. Les meilleurs moments... J'espère qu'il y en aura. Il y en aura sans doute qui seront mis en musique par Stéphanie. Un magnifique podcast avec tes messages et ton expérience que tu es venu partager ce soir. Encore une fois, merci. Merci beaucoup. Je donne rendez-vous à tous nos téléspectateurs, nos auditeurs à la rentrée pour la troisième saison des apiTalks. On n'a pas encore la date, mais on vous la communiquera. Ce sera sans doute en septembre ou en octobre pour le prochain rendez-vous avec Dominique Dumont qui amènera un regard tout à fait différent puisqu'il a un parcours dans l'entrepreneuriat ou la production de spectacles vivants. Donc on changera d'univers à cette occasion-là. Et je remercie aussi bien sûr nos partenaires HandSome et Accessolutions. Très bel été à toutes et à tous. On se retrouve en septembre. Merci Gaël.

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