Une façon de réclamer à l'Etat
des moyens supplémentaires. - Encerclé par les montagnes,
Digne-les-Bains, chef-lieu du département. La tranquillité
et la douceur de vivre, voilà ce qui a séduit
Pascale et Georges il y a plus de 25 ans. Un cadre de vie idéal, ou presque. Il y a un an,
un diagnostic bouleverse tout. Pascale a un cancer. Et ce n'est pas à Digne-les-Bains
qu'elle pourra être soignée. - Ce qui m'a mise en colère, c'est
de devoir presque mendier un rendez-vous, être face
à une secrétaire médicale qui fait bien son job mais qui dit
que ce ne sera pas avant 2 ou 3 mois. Mais c'est urgent pour moi,
c'est une question vitale. L'émotion me venait... - Alors qu'on vient
avec une ordonnance de l'oncologue où il y a marqué "très urgent". - Aujourd'hui, on arrive
à une situation où c'est une chance d'être soigné,
ce n'est plus un droit. - C'est à Marseille, à 150 km
de chez elle, qu'elle est soignée. - Ca demande beaucoup d'énergie. Quand on rentre le soir, c'est
beaucoup de fatigue, au bout de 4 heures de route. Mais on le fait,
parce qu'il le faut, parce que j'ai envie de vivre. - L'histoire de Pascale
et d'autant d'autres patients... A Digne, c'est tout le système
de santé qui est à bout de souffle. Depuis mi-août, le personnel
des urgences est en grève. La direction de l'hôpital n'a pas
souhaité nous répondre. C'est sur ce parking
que nous retrouvons les médecins, très en colère. - Il y a encore 10 ans, on gagnait
3 minutes pour aller en coronarographie
pour un infarctus. Aujourd'hui, il nous faut
1 heure 30. On a une réelle dégradation
de la capacité à prendre les gens en charge. On fait de la médecine
de catastrophe mais à l'hôpital. La définition de la médecine
de catastrophe, c'est quand il y a une inadéquation entre les besoins
et les moyens à disposition. C'est ce face à quoi on se retrouve
en médecine de guerre, ou pour un accident
avec de multiples victimes. C'est notre quotidien aujourd'hui. - Cet été, 2 arrêts-maladies
dans le service ont surchargé les médecins. - On rajoute des heures de travail,
avec parfois 90 heures de travail par semaine. C'est épuisant. Ce n'est pas durable. On peut le faire ponctuellement,
mais ce n'est pas sécurisant, ni pour les patients
ni pour les médecins. On met les patients en danger. On en arrive à cette situation où,
pour lever cette culpabilité, on travaille plus. Il y a des limites physiques. - A Digne, un autre médecin
a décidé de faire de la santé son combat. Patricia est également maire
de la commune depuis 10 ans. Elle a signé un arrêté. Elle met l'Etat en demeure. Elle demande le recrutement
de 11 soignants pour le territoire. - J'accuse l'Etat de ne pas avoir
pris le sujet de la santé dans sa globalité,
à sa juste mesure. La force d'inertie de l'Etat
face à cette problématique... Faire un Ségur de la santé,
des conseils nationaux de la refondation
pour faire remonter les idées, et maintenant, qu'est-ce qu'on met
en pratique? Ce n'est pas qu'une question
d'argent. C'est peut-être colossal
mais, à un moment, l'Etat doit prendre ses responsabilités. Comment on organise la santé
dans ce pays pour qu'elle tourne correctement? - Dans son combat,
elle a déjà convaincu 38 autres maires du département
de prendre, à leur tour, des arrêtés de mise en demeure. - C.Roux: Après ce
reportage, question. - D.Seux: La solution
la plus simple, c'est d'augmenter les impôts. Mais on a déjà un niveau
de prélèvement obligatoire particulièrement élevé par rapport
à d'autres pays. Pourquoi les finances publiques
dérivent? Une des raisons essentielles,
c'est le vieillissement de la population. On vient d'avoir un reportage
sur le système de santé. La pression
sur le système de santé, c'est notamment
le vieillissement de la population. C'est une bonne nouvelle,
quand même. Il faut accepter
que les dépenses de santé augmentent, mais trouver le moyen
pour qu'elles fonctionnent mieux. C'est compliqué en France,
car nous avons des dépenses publiques
extrêmement élevées et un mécontentement
sur les services publics. Il y a des solutions,
mais c'est dans l'organisation. Les rapports
de la Cour des comptes, je vous fais une pile de 1,50 m! Il y a des bonnes idées à prendre. Ce ne sont pas
des fous ultralibéraux qui veulent sabrer
toutes les dépenses publiques. Il y a des bonnes idées,
mais il faut aller les chercher. Il faut le courage
de dire la vérité sur un certain nombre de choses. - C.Roux: M.Barnier est allé
à l'hôpital Necker. Il n'a pas dit qu'on allait
dépenser plus dans l'hôpital. - G.Daret: Il a dit qu'on allait
rendre la dépense publique plus efficace. - D.Seux: Sur les dépenses
d'Assurance maladie, par exemple, qui sont dans le rouge... C'était dans "Les Echos" ce matin. Vous avez le
directeur de l'Assurance maladie qui met sur la table,
et ce n'est pas totalement innocent, le fait de gagner un peu d'argent,
de faire des économies en durcissant le système
des arrêts de travail, en remettant un jour de carence... Il y a une partie de l'opinion
qui est contre. Mais il y a toute une partie
de l'opinion, plutôt à droite, qui dit qu'il y a des disparités
entre la fonction publique et le privé,
qu'il y en a qui en profitent. Ca va nourrir le discours
sur l'assistanat porté par le RN. On voit qu'il y a des possibilités. En lisant cette interview ce matin,
je me disais que là... C'était une piste sur la table. Certes, de Matignon, il est allé
à l'hôpital Necker, qui est le fleuron
des hôpitaux pour enfants et qui fait un travail formidable. Mais quand on voit le reportage
qui vient d'être diffusé, les déserts médicaux,
c'est une attente très forte. Le sentiment d'être oubliés
participe au sentiment de déclassement des Français. C'était très fort dans les études,
que ce soit dans les extrêmes à gauche ou à droite,
de dire qu'on est oubliés. De dire qu'il n'y
a plus de services publics, qu'il faut 3 mois pour avoir
un rendez-vous chez un médecin... C'est une attente très forte
des Français. M.Barnier a raison
d'essayer d'y répondre. Avec quels moyens? Il y a eu un Ségur de la santé,
des promesses de faites. - C.Roux: En tout cas,
c'était un symbole fort, rapidement, le fait d'aller
dans un hôpital? Une façon de dire
qu'il est dans l'attente des Français
sur les services publics? - J.Jaffré: Il faut arriver
à concilier le message de M.Barnier... L'hôpital Necker n'est
pas très loin de l'hôtel Matignon. On ne peut pas dire que ça ait été
un déplacement considérable. Mais le lieu est important. C'est concilier les attentes
des Français et les priorités. Le pays doit faire un effort
pour plus de rigueur, mais la rigueur,
c'est aussi mieux dépenser, mieux faire. Beaucoup de ses formules,
ce sont des gifles au macronisme tel qu'il est depuis 7 ans. En fait, il ne veut pas d'esbroufe. Mais qui vise-t-il
avec ce genre de propos? "Je ne vous promets pas
de miracle", ça veut dire qu'on a fait à certains moments
des promesses difficiles à tenir. Lui insiste là-dessus.