Michaël Jérémiasz : « Rendre la société accessible à tous servira à tout le monde. »

-Depuis la première loi sur le handicap, votée en 1975, la condition de vie des personnes handicapées en France s'est améliorée, heureusement. Mais on est très loin du compte. Nous restons la minorité la plus discriminée dans notre pays selon le rapporteur des droits depuis 3 ans maintenant. Discrimination pour l'accès à la santé, pour l'accès au logement, pour l'accès à l'emploi, à la culture, au sport, à la sexualité. Aujourd'hui, il y a un vrai sujet, une accélération en tout cas, une volonté des personnes concernées que les lois soient mieux appliquées, notamment la loi de 2005, et qu'on trouve collectivement des solutions pour permettre à plus de 12 millions de personnes handicapées, puisque c'est le chiffre aujourd'hui, et tout autant d'aidants, d'avoir tout simplement accès à la citoyenneté pleine et entière. C'est pas le cas. Nous avons les mêmes devoirs, mais pas les mêmes droits. Et cette discrimination est intolérable. Aujourd'hui, un enjeu majeur pour nous, c'est notre capacité à se fédérer. De nombreuses associations représentent les personnes handicapées, mais on parle de handicap moteur, de handicap mental, de handicap psychique. Notre capacité à nous fédérer nous permettra, on l'espère, un jour, d'avoir les mêmes droits et d'avoir une vie sociale épanouie, libre, comme tout un chacun. Pour faire avancer le débat sur le handicap, il y a un certain nombre de solutions. La première, c'est de s'assurer que tout enfant puisse accéder à l'école de la République, quels que soient sa condition, son genre, ses origines. C'est le cas souvent, pas tout le temps. Beaucoup d'enfants handicapés n'ont pas accès à l'école, qui plus est en milieu ordinaire. L'éducation est un chantier prioritaire. Ensuite, il faut construire une minorité visible, pas uniquement parce que 80 % de personnes handicapées ont un handicap invisible, ce n'est pas la seule raison à notre invisibilité, mais parce que les médias en parlent trop peu et souvent mal. Il y a un travail à faire à ce niveau-là et aussi un travail d'accessibilité de la société, rendre la société accessible à tous. C'est pas uniquement des rampes ou des plans inclinés pour les fauteuils roulants, mais pour toute personne ayant un handicap, une particularité, une différence. Ça servira tout le monde. Par exemple, des transports en commun accessibles pour les personnes en fauteuil roulant seront accessibles pour les poussettes, pour les personnes âgées, et aussi accessibles pour les personnes qui ont eu un accident, même temporaire, une entorse de la cheville, une opération du genou, des choses qui ne sont pas définitives. La question de l'accessibilité universelle permettra d'évoluer librement dans la société, qu'on soit visibles, et que ce ne soit plus jamais un sujet que des personnes handicapées évoluent aux côtés des autres et que la question de la discrimination soit de moins en moins présente parce que moins d'ignorance, parce qu'on réussira enfin à vivre ensemble. Aujourd'hui, les personnes handicapées, en France, sont des citoyens de seconde classe, parce que discriminées en droit, discriminées dans tout ce que la société a à offrir. Oui, mêmes devoirs, mais pas mêmes droits. Aujourd'hui, le combat pour le droit des personnes handicapées est un combat fondamental, le droit de se déplacer librement, le droit de se loger, le droit de travailler, le droit d'accéder à la culture, au sport, le droit d'avoir une vie intime, une vie sexuelle épanouie. Tout autant de sujets sur lesquels se mobilisent chaque citoyen, concerné directement ou pas, et les associations. Aujourd'hui, c'est un travail collectif où il faut continuer encore et toujours à mettre la pression au législateur, mais je pense que chacun doit prendre sa part de responsabilité pour ne pas accepter qu'une personne soit discriminée pour sa couleur de peau, ses origines, sa condition, son genre.

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