Jérôme Ferrari lit un extrait de son roman, **Nord Sentinelle**.

nul besoin de prophétie pour savoir que le premier voyageur apporte toujours avec lui d'innombrables calamités peu importe qu'il fut une brute sanguinaire un inventurier cupide un sdar conquérant un suppliant en larme ou un homme comme le capitaine Burton dont la soif de connaissance consumait le cœur dans des proportions si monstrueuses qu'elle en devenait un vice peu importe qu'il cherchait la guerre ou le repos la conquête ou la rédemption le premier qui pose le pied sur le rivage fut-il animé des intentions les plus paacifiques et les plus louables fut-il un saint fut-il le Sauveur du monde en personne il faudrait le tuer lui et tous ceux qui l'accompagnent sans distinction d'âge ou de sexe les vieillards les femmes les hypothétiques enfants toute l'orde angélique des chérubes en suivant cette simple règle l'humanité se serait évitée au prix d'un crime minuscule une atroce et interminable litanie de massacre d'épidémie d'asservissements et de mutilation ainsi que quelques autres abéations mineures au rang desquelles il faut compter la chanson coloniale les missions évangéliques et bien évidemment la pratique intensive du tourisme