Hirsutisme : "je ne représente pas la féminité à laquelle le monde s'attend" - CCA

vous remercier pour votre confiance. Malgré vos complexes, vous avez accepté avec beaucoup de courage de nous ouvrir les portes de votre intimité et de nous montrer le rituel que vous effectuez chaque matin à cause de cet hirsutisme dont vous souffrez. Quel est ce rituel? -Tous les matins, le petit passage à la salle de bains pour le rasage du visage. -Ce témoignage pourrait paraître impudique mais on a estimé avec vous que c'était très important de nous montrer ce moment sans filtre, justement, pour que tout le monde puisse se rendre compte de ce que ça représente au quotidien et que ceux qui en souffrent puissent se reconnaître. C'était important pour vous de le montrer? -Oui, j'aimerais qu'on le voie plus souvent. -Pour pouvoir vous sentir moins seule? -Que ça ne soit plus tabou et que ça passe même inaperçu qu'une femme ait des poils. C'est naturel. Mais c'est tabou... -Vous êtes une combattante, aujourd'hui. On regarde ces images? -Oui. Je m'appelle Audrey et quand je me lève le matin, ce que je déteste le plus, c'est le passage dans la salle de bains. Depuis une dizaine d'années, la salle de bains n'est pas vraiment ma copine. Je passe mon temps à éviter les miroirs car cette pièce me renvoie mon image. Une image que j'ai du mal à accepter. Je n'ai pas la chance d'être grande, élancée ou mince. Mais surtout, je ne représente pas la féminité à laquelle le monde s'attend. De tous mes complexes physiques, il en est un qui me hante et que je tente de camoufler comme je peux chaque matin. Une hyperpilosité en lien avec une maladie hormonale que j'ai. Une pilosité masculine, en quelque sorte, qui s'est développée anormalement sur mon corps de femme jusqu'à atteindre le buste, le menton ou encore le cou et qui m'oblige à procéder chaque matin à un rituel s'apparentant à celui d'un homme. J'ai honte de mon image. Le monde extérieur est de plus en plus habitué à voir une femme ronde mais vous avez déjà vu une femme avec de la barbe? Il faut pourtant que je vive avec. Faire en sorte que ça se voie le moins possible. Si je me dévoile à vous aujourd'hui, dans mon intimité, c'est pour parler enfin de l'hirsutisme. J'en ai assez de rester dans l'ombre. J'ai besoin d'en parler pour faire connaître ce symptôme et faire évoluer le regard des autres. -Je ressens beaucoup d'émotion chez vous 3. Que ressentez-vous, Audrey? -Déjà, c'est plus étrange de se voir comme ça, en grand. -En très grand. -J'ai l'habitude de filmer des vidéos pour YouTube. Ce n'est pas du tout pareil. Ca me fait mal de voir ces images et en même temps, c'est une fierté d'être là aujourd'hui pour en parler. C'est quand même dur. -Vous pouvez être fière de vous. J'ai senti que Raïssa l'était aussi. Vous faisiez "Oui, c'est bien" de la tête. "Il faut montrer ces images, il faut en parler." -Je suis absolument d'accord. On a à peu près le même rituel. Passer par là, c'est très difficile au quotidien. C'est une grosse charge mentale. -Vous, Laura, j'ai même senti les larmes qui montaient. -En fait, on a le même combat, un peu la même histoire. C'est cette image d'une femme seule qui doit affronter ça tous les jours et surtout affronter l'extérieur, seule. -Déjà, je voudrais qu'on fasse un petit point. Je peux vous appeler Séverine? -Tout à fait. -Dr Séverine. Qu'est-ce que l'hirsutisme? -C'est la présence de poils sur des zones où normalement, la femme n'en a pas. C'est le plus souvent lié à une hyperandrogénie, une augmentation des hormones masculines ou alors, une augmentation de la sensibilité de vos récepteurs aux hormones masculines. L'hirsutisme, ce sont vraiment des poils sur des zones masculines. Les lèvres, le menton... Là où normalement, la femme n'en a pas. -C'est une maladie, une pathologie en soi? Ou c'est le symptôme d'autre chose? -C'est un symptôme, finalement. Quand je regarde ce témoignage, je me demande: "Comment ces femmes peuvent être seules?" Il y a des solutions, il faut les accompagner mais pour ça, il faut que des diagnostics soient posés car sous ces symptômes, il y a des pathologies qui doivent être diagnostiquées pour ensuite pouvoir être prises en charge et traitées. Que ce soit par un endocrinologue ou un dermatologue. Ce sont des symptômes de différentes pathologies. -Je voudrais qu'on regarde ces chiffres. 5 à 10 % des femmes en France seraient et sont touchées par l'hirsutisme. Avant qu'on remonte le fil de votre histoire, qu'est-ce que ça implique, pour vous, au quotidien? Il faut se raser tous les jours? Plus en hiver, en été... -L'été, c'est la pire des saisons. J'adorais cette saison et c'est celle que je redoute le plus. Dès que le soleil arrive, je me dis que je vais devoir me camoufler." Devoir passer au rasage, trouver des tenues adéquates... -Vous rasez tout le corps? -Moi, c'est vraiment de la tête aux pieds, si on peut dire. J'en ai sur le visage, sur le buste, la poitrine, le ventre, le dos. Beaucoup sur le haut du dos. Un peu en bas. Et là où j'en avais avant, ça s'est beaucoup plus développé. Comme les avant-bras, les jambes... -Parfois, vous renoncez à sortir ou à avoir une vie sociale, justement parce que c'est trop chronophage de tout préparer avant? -Très souvent. -Donc vous vous sentez isolée? -Complètement. -Ce sont ces conséquences dont on ne parle pas assez, non plus. Aujourd'hui, ça vous exclut du monde. -Je me sens exclue du monde. De la vie. Je vois les gens vivre leur vie et moi, je me sens recluse dans mon petit coin, dans l'univers que je me suis créé pour ne pas tomber plus bas. -C'est aussi pour ça que vous êtes là, pour dire: "Stop, je n'ai plus envie de vivre comme ça donc maintenant, je me montre et j'explique pour être acceptée"? -J'en ai marre de me cacher. J'ai besoin d'en parler. Je ne sais pas comment dire mais j'aimerais pouvoir sortir sans être mal à l'aise. Même avec une repousse de poils sur le visage. Parfois, ça m'arrive de le faire et le peu de gens que je vois me dévisagent. Parce que c'est surtout ça qui revient depuis que j'ai le SOPK, je me sens incomprise, seule face à tous mes problèmes. Je ne me sens pas écoutée, pas aidée. -Vous venez de prononcer l'acronyme SOPK dont on va beaucoup parler aujourd'hui, qu'est-ce que c'est? -Le syndrome des ovaires polykystiques. Finalement, ce sont les ovaires sur lesquels des kystes viennent se loger et qui, du fait d'une synthèse d'androgènes ovariens, vont être responsables pour partie de certains symptômes. La pilosité, parfois l'acné, la chute des cheveux... -Vous avez toutes ce même syndrome des ovaires polykystiques? A partir de quand vous êtes-vous rendu compte de ce symptôme et de votre hyperpilosité? -J'étais jeune. Ma pilosité était un peu plus prononcée que les autres. Je le voyais avec mes copines au collège. Comme je suis d'origine italienne, je pensais que la pilosité allait avec. Je ne me suis pas inquiétée. -D'accord. Vous êtes blonde ou brune? -C'était avant que je sois diagnostiquée. -C'est votre couleur naturelle? -Non. Là, c'est une couleur aussi mais je suis plus foncée. Je n'ai jamais été très bien réglée mais je ne me suis pas inquiétée plus que ça. C'est en travaillant que j'ai ressenti des douleurs pelviennes. J'avais beaucoup de douleurs. Je portais des trucs lourds et j'ai pensé que c'était le début d'une hernie. Je ne savais pas. Ca me faisait de plus en plus mal. Mes règles se sont encore plus espacées et j'ai commencé à prendre du poids alors que j'avais à peine le temps de manger. Ce sont des petits signaux qui m'ont alertée. J'ai senti. J'ai vu un 1er gynécologue qui m'a dit: "Ce n'est rien de grave, peut-être un petit dérèglement hormonal." J'ai cherché un peu plus, j'ai vu une autre gynécologue qui elle, a tout de suite pensé que c'était le SOPK. Elle m'a fait faire une prise de sang et une échographie pelvienne et j'ai été diagnostiquée. Il y a eu une batterie d'examens avant le diagnostic final mais au final, elle avait raison. -Est-ce qu'on vous a tout de suite prescrit un traitement? -Non. -Mais il en existe un? -En fait, on m'a prescrit... Je ne sais plus le nom... Je suis insulinorésistante. -Souvent, l'hyperandrogénie est associée à un diabète de type 2 qu'on va donc traiter avec des biguanides. -Comment avez-vous réagi à ce traitement? -Très mal. Je ne l'ai pas supporté donc j'ai arrêté. On m'a aussi prescrit l'Androcur que j'ai pris pendant 5 ans. Quelque temps après, j'ai reçu une lettre de la sécurité sociale disant qu'il fallait arrêter ou bien faire un I.R.M. cérébral chaque année car ça crée des méningiomes, des tumeurs au cerveau. -Ce traitement peut avoir de graves conséquences? -L'acétate de cyprotérone, l'Androcur, était un très bon traitement. -Il était très efficace sur moi. -C'est un anti-androgénique qui a enlevé une épine du pied de beaucoup de patientes. Maintenant, on le prescrit beaucoup moins car on sait qu'il y a des facteurs de risques de méningiomes. On est obligé de le contre-indiquer s'il y a des antécédents dans la famille ou personnels et si l'endocrinologue le prescrit, il faut qu'il y ait un suivi avec une imagerie. -Vous l'avez pris combien de temps? -Environ 5 ans. -Et ça vous réussissait? -Je l'ai très bien supporté et ça m'a sauvée. -Suite à cette information, vous avez dû vous arrêter et du jour au lendemain, l'hyperpilosité est revenue? -Non, ce n'est pas revenu tout de suite et c'est revenu petit à petit. Et c'est moi... J'ai perdu ma grand-mère. C'est à cause de ça que j'ai fait exploser tous mes symptômes, du moins les pires. Perte de cheveux, j'ai pris beaucoup de poids... J'ai mangé mes émotions pour tenir le coup. J'ai commencé à manger beaucoup de mauvaise nourriture, de sucre, de gras. J'ai pris beaucoup de poids en peu de temps. Ma pilosité a explosé, la perte de cheveux et tout ce qui s'en suit. Pour mon corps, je parle pour moi car les cas sont plus ou moins différents, le poids me fait ressortir les plus mauvais symptômes de la maladie. -Je ne savais pas que le poids était autant lié à l'hirsutisme

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