Jean-Michel Blanquer : 5 ans au cœur de la Macronie - C à Vous - 02/09/2024
Published: Sep 01, 2024
Duration: 00:09:51
Category: Entertainment
Trending searches: jean michel blanquer
Je n'étais pas ministre
de l'Enseignement supérieur. Je parlais plus de mes collègues
qu'aux personnes que j'avais sous ma responsabilité. C'était un point de vue presque
intellectuel que j'exprimais. J'ai trop la connaissance
de certaines matrices qui existent, aussi bien aux Etats-Unis
qu'en France ou ailleurs, pour rester silencieux
sur certaines choses. Mais cela relève encore aujourd'hui
du débat. Certaines des choses que j'ai dites
à l'époque, on ne peut pas dire que la suite ne l'a pas vérifié. Comme on l'a vu à Sciences Po Paris
il n'y a pas si longtemps... - A.-E.Lemoine: Vous présidez
le Laboratoire de la République. Prenons un cas concret. Un préfet doit statuer
sur la demande de naturalisation d'une femme musulmane
dont les proches insistent pour qu'elle soit auditionnée
uniquement par d'autres femmes. Qui coche la case "naturalisation
acceptée" et "naturalisation refusée"? Vous cochez quelle case? - J.-M.Blanquer: Il ne faut pas
répondre comme ça du tac au tac. Ca sert à ça, un laboratoire. Au fond, aujourd'hui,
comment on teste... Dans l'accession
à la naturalisation, l'important, c'est que vous aimiez le pays
dans lequel vous allez être naturalis et que vous en respectiez les lois. Ca n'a rien d'absurde
de poser une question pareille. Après, on rentre dans une série
de complexités. C'est normal qu'une question comme ça soit posée
à une table ronde. Notre but est de fournir
des réponses concrète à ce type de questions. - A.-E.Lemoine: C'est une question
un peu binaire pour une question complexe? Pour en revenir au mystère Macron,
qui vous interroge... Il vous a fasciné au point de vivre
une lune de miel à ses côtés. Comment vous expliquez
que ce soit la gestion de la crise du covid qui ait fait basculer
son mode de gouvernance? - J.-M.Blanquer: C'est
pour ça que le livre cherche à donner une approche
des enjeux du pouvoir en général, au-delà du cas d'E.Macron
et de la Ve République. D'ailleurs, la tendance
de tout pouvoir, quel qu'il soit, c'est d'aller vers l'enfermement. On doit en être conscients. En tant que ministre,
je n'ai pas complètement échappé à moi-même. Quand nous exerçons un pouvoir,
nous devons nous garder d'être enfermés sur un petit cercle,
de croire qu'on a raison sur tous les sujets, etc. C'est une gymnastique qui n'est pas
facile. Deuxièmement, la Ve République
vous pousse à ça. Elle donne de grands pouvoirs
au président de la République. Ca exige une sorte d'autodiscipline
de la part de celui qui détient le pouvoir. En 3e lieu, la crise covid a de manière normale fait
que le président, pendant la crise sanitaire,
concentrait les pouvoirs. Il fallait décider: on voit
les vertus d'E.Macron dans ces moments-là. J'ai vu un homme intelligent,
très travailleur, capable de prendre des décisions
qui me semblait bien inspirées dans l'immense majorité des cas. Le problème à mes yeux, c'est
qu'il y a une dégradation de la décision publique
après la crise covid, comme si on avait continué à avoir
les effets de la concentration du pouvoir alors même que la crise
sanitaire avait disparu. - A.-E.Lemoine: Vous avez eu
un refus qui a mis E.Macron très en colère? - J.-M.Blanquer: C'est l'élément
de bascule, en effet. C'est absurde à mes yeux. - A.-E.Lemoine: On vous traite
d'ingrat? - J.-M.Blanquer: Même les gens
qui me font des reproches peuvent considérer que je suis assez franc. Le président de la République
voulait que je me présente aux élections. Je trouvais que ce n'était
pas une bonne idée. Si je n'avais eu que des ambitions
personnelles, j'aurais dit oui. Il me semble qu'il fallait
se concentrer sur la crise du covid. Il me semblait aussi
que sur ce sujet-là, on a le droit d'avoir des opinions différentes
sans se fâcher. J'ai compris à ce moment-là
qu'à ses yeux, il fallait dire oui à tout. - A.-E.Lemoine: Vous tombez
en disgrâce alors que quelques mois avant, on vous a proposé le ministère
de l'Intérieur. C'est à n'y rien comprendre... - J.-M.Blanquer: Exactement. De toute façon, je n'étais pas
spécialement demandeur. J'avais dit depuis le début
que je voulais être pendant 5 ans à l'Education nationale. Au début, on me disait
que je n'y arriverais pas, que ce n'était pas vrai,
que je n'accepterais pas d'être impopulaire, de tenir
la barre quels que soient les obstacles. In fine, j'ai tenu 5 ans. L'impopularité, je l'ai eue
sur certains sujets. Si j'avais abandonné la partie,
j'aurais succombé aux reproches qu'on m'a fait dès le début. Je crois avoir tenu un cap. Ce qui s'est passé montre
que ça peut se payer d'un prix assez lourd. - A.-E.Lemoine: Cette citation
résume bien sa façon d'exercer le pouvoir? - J.-M.Blanquer: Ce n'est pas
très grave. Ce n'est pas un sujet. Je n'étais pas demandeur. J'essaie juste de décortiquer
ce qui se passe dans ces cas-là. Je n'estime pas
qu'il a commis une faute en faisant ça. - E.Tran Nguyen: Il a créé
quelques failles. Il y a eu quelques polémiques. Fin décembre 2021, en plein covid,
se pose la question du déconfinement. Du déconfinement. Vous prenez 3 jours de vacances
à Ibiza. - Nous sommes le 1er janvier
quand J.-M.Blanquer dévoile au "Parisien"
les détails du nouveau protocole. La ministre de l'Education,
le week-end précédant la rentrée scolaire,
est en vacances à Ibiza. A son retour, un protocole trop
complexe, trop de fois modifié. - Votre faute politique n'est pas
d'avoir pris des vacances, mais de ne pas avoir fait
vos devoirs de vacances. - M.Le Pen: Cette désinvolture
montre une forme de désintérêt pour ce que vivent les Français
en pleine campagne présidentielle. - A.Corbière: Devant tant
d'erreurs, il est temps que le ministre démissionne. - E.Tran Nguyen: Ibiza,
c'est tout un symbole. Mais il y a le fond et la forme,
dans ce contexte. Vous le regrettez? C'était une erreur? - J.-M.Blanquer: A l'époque,
il y a eu un sondage. Jamais je n'aurais imaginé
un sondage sur mes vacances... Il disait que 52 % des Français
ne voyaient pas le problème. J'ai trouvé les Français
qui ont répondu ça d'un grand bon sens. Il faut résister
à des campagnes médiatiques incroyables pour continuer
à voir la réalité des choses. Je pense que je suis le membre
du gouvernement qui a pris le moins de jours de congé. Je suis parti le dernier de Paris. J'aurais pu aller à La Baule
ou à Nice de la même façon. A Ibiza, j'ai travaillé
toute la journée en télétravail. Le fait que je sois là-bas
n'a rien changé au protocole qui a eu lieu. Nous l'avions élaboré
dans un conseil de défense, très collectivement. Les problèmes ont été liés
à des approvisionnements en pharmacies qui n'ont pas eu
lieu. Il y avait une décision collective,
un processus collectif. J'ai pris très peu de jours
de vacances, dans un endroit qui n'était pas cher à ce moment-là
parce qu'il n'y avait personne. - E.Tran Nguyen: Mais c'est
le symbole de la fête... - J.-M.Blanquer: Est-ce qu'on n'est
pas capable d'aller de temps en temps au-delà des apparences? Je l'ai dit à l'Assemblée
nationale. Je regrette le symbole, évidemment. Si c'était à refaire,
je n'irais pas. Mais si vous décortiquez... Je suis sans doute un des Français
qui a pris le moins de jours de vacances cette année-là. Je n'en ai pas pris,
sauf à ce moment-là, et à mes frais, en travaillant. - E.Tran Nguyen: C'est
un de vos collègues du gouvernement qui a révélé ce lieu, justement. Il ne vous voulait pas que du bien? - J.-M.Blanquer: En janvier 2022,
j'étais devenu une cible tous azimuts. - A.-E.Lemoine:
Parce qu'on vous savait en disgrâce? - J.-M.Blanquer: Oui. C'est malheureusement
très anthropologique. - P.Cohen: Anthropologique
ou anthropophagique? - J.-M.Blanquer: Les deux! C'est en gros ce qui m'est arrivé. A partir du moment
où les gens ont senti que le président
ne me soutenait plus... Or, il me soutenait énormément. J'ai pu tenir la même ligne,
j'ai eu la possibilité d'agir. C'est d'autant plus absurde d'avoir
eu de ce fait une dernière année aussi épouvantable,
avec des campagnes de presse délirantes, où vous n'avez personne
pour défendre un bilan dont il y avait tout lieu
d'être fier. Le dédoublement des classes
dont on parlait tout le temps et qui commence
à donner des fruits... En cette rentrée,
il y a pas mal de gens qui voient de quoi je parle. Il y a Des classes de 12,
et 400 000 enfants parmi les plus défavorisés
qui en bénéficient. L'école française a rebondi depuis
2017. On oublie qu'il y a une étude
sortie l'année dernière qui montre que la France