Jérôme Seydoux, le parrain du cinéma français - C à Vous - 10/09/2024
Published: Sep 09, 2024
Duration: 00:10:10
Category: Entertainment
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... - A.-E.Lemoine: Bonsoir, J.Seydoux. Merci de votre présence
à l'occasion de l'inauguration du ciné Pathé Palace après 5 ans
de travaux. Un complexe ultramoderne dédié
au 7e art. Ce sera le 16 septembre prochain,
quelques jours avant votre anniversaire. - J.Seydoux: Vous êtes au courant
de tout. - A.-E.Lemoine: Vous êtes l'homme
qui voyait le cinéma en grand, qui croyait encore aux salles
de cinéma. Et le succès de "Monte-Cristo"
vous donne raison. Ce succès a d'abord été un pari. - J.Seydoux: Tous les films
sont des paris. On ne sait jamais. On pense qu'on a la bonne recette. Aucun film, on ne peut être certain
qu'il va marcher. - A.-E.Lemoine: Celui-là
était très long. Il y a eu un investissement
considérable, 43 millions d'euros. Ce n'était pas un pari plus qu'un
autre? - J.Seydoux: Ce sont toujours
des paris. C'est un métier à risques,
le cinéma. Ce n'est pas un métier
pour fonctionnaire. Pierre sait ça mieux que moi. Prendre des risques, c'est
agréable. - A.-E.Lemoine: Votre stratégie
est de produire moins, mais de dépenser plus. Il faut du grand spectacle. Vous dites que les gens ne vont pas
au cinéma pour se faire chier. - J.Seydoux: C.B.DeMille a existé
avant moi. Je n'ai rien inventé. Les grands films existent depuis
que le cinéma existe. De temps en temps, il y a un film
pas cher qui marche, mais c'est rare. - A.-E.Lemoine: Les films à petit
budget, vous dites que c'est de la télévision et pas du cinéma. Le risque d'enfermer
les réalisateurs dans des logiques industrielles et de passer à côté
des pépites. "Un p'tit truc en plus", personne
ne voulait le produire. - J.Seydoux: Il a quand même été
produit. - A.-E.Lemoine: Pas par vous. On ne vous l'a pas proposé. - J.Seydoux: Je ne l'ai pas eu. Je n'ai pas la prétention
de vous dire que je l'aurais fait. C'est normal. C'est un métier à risques. De temps en temps, on tombe
sur une pierre précieuse. - A.-E.Lemoine: Il faut prendre
des risques et ne plus faire de films de vieux, c'est
ce qu'on fait trop selon vous en France? C'est quoi, un film de vieux? - J.Seydoux: C'est un film
de vieux. Ce n'est pas très difficile. Une grande partie du cinéma
français, et ce n'est pas une déclaration, le public
est vieux parce que c'est un cinéma qui ne s'adresse pas aux jeunes. - A.-E.Lemoine: Ce n'est pas
une histoire de moyens? - J.Seydoux: Non. C'est plus difficile d'aller
chercher les jeunes. Les jeunes sont plus attirés
par des films avec les nouvelles techniques, du spectacle, que font
les Américains. Le cinéma français est un cinéma qui est resté
techniquement très traditionnel. Prenez un exemple. Les films tournés en Imax,
ils sont tous américains. Il faudrait que les Français aussi
adoptent un certain nombre de choses. On ne peut pas faire des films... "Les films de vieux", ce n'est pas
péjoratif. - A.-E.Lemoine: Votre nouveau
complexe parisien est pensé comme un palace:
du marbre, des dorures, moins de fauteuils, il y en a 900
au lieu de 2000, mais ils sont chauffants,
inclinables. Ca va plaire aux plus vieux d'entre
nous. Un vestiaire, un bar ultra chic,
un service de boissons au siège. C'est la Business class du cinéma
avec le prix de la Business, 25 euros le ticket. - J.Seydoux: Vous avez raison. J'aime bien la comparaison
avec les avions. Dans un avion, entre la personne
qui va payer le plus cher et la personne qui va payer
le moins cher, c'est beaucoup plus que de 20 à 10 euros. Il y a des différences
gigantesques. Pourtant, on fait le même voyage. On peut voir le même film
dans des conditions différentes. Le cinéma en salle est poussé
vers le haut par la télévision, par les plateformes. Les plateformes vous offrent plein
de choses. Il faut donner des raisons aux gens
pour aller au cinéma. - A.-E.Lemoine: C'est dans l'air
du temps de proposer une telle expérience quand on parle
du pouvoir d'achat? - J.Seydoux: Le pouvoir d'achat,
c'est une chose, le cinéma, c'en est une autre. Je ne fais pas du pain. Je ne fais pas
des choses essentielles. Je fais des choses pour distraire
les gens. Il faut que ça les change. Tout n'est pas forcément bon
marché. - P.Lescure: Vous êtes entré
dans le cinéma un peu par effraction en 1990
à 56 ans avec le rachat du groupe Pathé. Parmi les films
que vous avez produits, la liste tiendrait dans un bottin. Il y a beaucoup de grands
spectacles, mais aussi quelques pépites
comme "Didier", d'A.Chabat. - Tu ne peux pas, quand tu vois
quelqu'un, d'entrée, lui sentir le cul. C'est important. C'est très important. On ne sent pas le cul
quand on ne connaît pas. D'accord? Bah ouais mais... Je suis connu, moi,
dans le quartier. Tu t'en fous. Tu trottines. Je suis tout à fait d'accord
avec vous. Bien sûr, on la connaît,
mais il faut connaître plus pour sentir le cul. Elle, c'est la boulangère. - P.Lescure: C'est drôle. Ce qui est drôle aussi, c'est
que vous avez fait une petite apparition dans ce film. On vous voit même en compagnie
de votre ami, le producteur C.Berri. C'est lui qui vous a introduit
dans le monde du cinéma. La meilleure leçon
qu'il vous a donnée, c'est que, l'important, ce n'est pas combien
coûte un film, mais combien il rapporte. - J.Seydoux: Absolument. Je crois beaucoup à ça. Le cinéma, c'est du spectacle,
c'est cher. On ne peut pas faire du cinéma bon
marché. Ca a toujours été cher. Depuis les origines. Les superproductions, c'est
très vieux. Même il y a 100 ans,
il y avait des superproductions. - M.Bouhafsi: On revient
sur votre crédo. On va revenir sur votre plus grand
pari, celui qui a le plus réussi, retour
en 2008 quand un film que vous produisez fait
plus de 20 millions d'entrées en salle. - Bougez pas. Il vaut mieux appeler les secours. J'aurais pu vous tuer. - Je vous ai reconnu
à votre plaque, 13. Ici, c'est 59. - Vous êtes blessé? Vous avez mal quand vous parlez? Votre mâchoire, ça? - Ca va. - Vous voulez pas qu'on montre
votre mâchoire à un médecin? Vous vous exprimez d'une façon
très particulière. Pardon? C'est le fameux ch'timi? - M.Bouhafsi: Après ce film, vous avez lié une relation d'amitié
très longue avec D.Boon. 20 millions d'entrées, 3,5 millions
de DVD vendus. Le plus grand succès de l'histoire
des DVD vendus. Vous balancez un mail quelques
semaines après la sortie à vos collaborateurs: "Attention,
danger, méfiez-vous quand même." - J.Seydoux: Il faut toujours
se méfier des succès. Ca a un côté dangereux. Les gens sont heureux. Ils sont moins rigoureux. Et on fait des bêtises. On fait beaucoup moins de bêtises
quand les affaires sont difficiles. On est obligés de tout serrer. Les bêtises sont faites
avec des succès. Je vais vous raconter une anecdote
que j'adore à propos de "Bienvenue chez les Ch'tis". Le film est sorti une semaine avant
dans le Nord avant Paris. Une partie des Nordistes
qui habitaient Paris ont pris le train pour aller le voir à Lille
parce qu'ils pensaient qu'il ne sortirait pas à Paris,
qu'il sortirait que dans le Nord. On avait des spectateurs qui arrivaient de toute la France
pour le voir dans le Nord. - E.Tran Nguyen: Votre petite-fille est l'une des actrices
les plus demandées, L.Seydoux. On l'a vue dans "La Vie d'Adèle"
il y a 10 ans. Sera-t-elle un jour actionnaire
de Pathé ou est-ce qu'elle pourrait vous succéder? - J.Seydoux: Tout le monde peut
me succéder. Je vais forcément disparaître. - A.-E.Lemoine: Vous n'avez pas
envie de prendre votre retraite. Vous vous amusez toujours. - J.Seydoux: On parle du Palace. Il a comme parrains deux personnes:
R.Piano et votre serviteur. Tous les deux ont plus de 80 ans. S'ils avaient pris leur retraite
tous les deux, je ne serais pas là. Il n'y aurait pas de Palace. Vous parleriez d'autre chose. - A.-E.Lemoine: Il sera inauguré
le 16 septembre. Il est ouvert depuis le 10 juillet. Ca marche bien? Il y a des ouvreuses? - J.Seydoux: Ca se met en place
progressivement. On a ouvert juste avant les Jeux
olympiques.