SOPK, hirsutisme : "c'était mes hormones qui contrôlaient tout " - Ça commence aujourd'hui

-A quelle période avez-vous constaté les 1ers signes de l'hirsutisme? Vous a-t-on diagnostiqué ce SOPK? -Très tard. Vers 16 ans, j'ai commencé à avoir des 1ers symptômes. Quand on n'est pas accompagnée, on ne comprend pas ce qu'il se passe. C'est arrivé assez lentement. J'ai eu un peu de poils puis un peu de boutons. Il y a eu aussi la prise de poids petit à petit, le comportement alimentaire qui a changé. Tout est arrivé en même temps. Là, je suis arrivée à un stade d'obésité, 125 kg. Je faisais de la compétition en ski alpin, je n'avais pas de problème. -Il n'y avait pas de raison apparente de prendre ce poids aussi rapidement. -Tout est arrivé un peu comme ça. Un jour, plus de règles. On peut dire que ça arrive une fois comme ça. 2 mois, 3 mois... Ca commençait à être un peu long et cette pilosité est arrivée en force d'un coup. Là, ma maman m'a dit qu'on allait consulter un endocrinologue. Ca a été le début d'une aventure. Les endocrinologues étaient incapables de poser un diagnostic, j'ai dû en faire plusieurs. -Comment viviez-vous cette errance médicale? -C'est simple, on n'a même pas 18 ans, on est déjà dans un chamboulement car le corps change. On attend des réponses. Même ma maman qui est dans le milieu hospitalier. -A cette époque, que faisiez-vous avec ces poils sur le visage? -Rien. -Rien? -Non, les médecins ne savaient pas ce que j'avais. -On vous demandait de ne pas les retirer? -Oui. -Vous nous avez confié une photo de cette période. On vous disait de les garder. -J'avais des poils d'une longueur comme ça. -Comment vous le viviez? -Bah... -Le regard des autres peut être cruel à cet âge. -C'est surtout ça, on doit évoluer au lycée et au début des études supérieures où l'on se construit en tant que femme. Ce n'est pas évident. -On vous disait quoi? Vous avez subi des moqueries? -Oui. Parfois, les gens ne sont pas très intelligents et disent des choses comme: "Tu te négliges." -Vous répondiez quoi? -Je ne savais pas ce que j'avais, je n'étais pas en capacité de répondre quoi que ce soit. Je ne répondais rien. Je rigolais limite aux blagues qu'ils faisaient sur mes poils. Le jour où l'on a posé un vrai diagnostic, on m'a déculpabilisée, car on a aussi une charge mentale. On se dit que ce n'est pas de notre faute, qu'on ne se néglige pas, on a un réel problème. Après, il a fallu assumer. "Tu as un problème avec mes poils mais ce n'est pas de ma faute, j'ai une maladie." -Ca fait partie des maladies invisibles. -J'imagine qu'avant d'en arriver là, quand on est adolescente, qu'on a ces poils et qu'on subit des moqueries, vous avez dû beaucoup souffrir. -Oui. On n'en parle pas beaucoup mais avec le SOPK, il y a beaucoup d'autres symptômes que ceux qu'on a cités. Par exemple, j'étais vraiment sujette à la dépression. Les variations d'hormones faisaient... -Je pense qu'il y a plusieurs choses dans les troubles de l'humeur. Il y a l'hyperandrogénie mais aussi le fait qu'il y a un tel retentissement psychosocial qu'on a aussi tendance à avoir une humeur dépressive. Il y a les 2. -Ca vous a menée à la dépression? -Oui, grosse dépression. Avec l'arrivée des 1ers symptômes, à 17 ans, j'ai fait une tentative de suicide. Je ne comprenais rien à ce qui m'arrivait. C'était un bouleversement. J'ai été en hôpital psychiatrique. Les psychiatres étaient incapables de poser un diagnostic psychologique car il n'y en avait pas vraiment, c'étaient mes hormones qui contrôlaient tout. C'est quand j'ai commencé à consulter, à aller dans des centres hospitaliers et des centres compétents en endocrinologie, à Lyon, qu'on m'a posé un diagnostic. On m'a déculpabilisée. Je n'étais pas folle. -On a besoin de l'entendre. Vous aviez besoin de l'entendre de spécialistes. -Et accepter aussi le fait qu'on peut avoir des hormones qui font ça. Ce n'est pas évident non plus pour l'entourage. -On vous a prescrit un traitement hormonal? -Exactement le même, Androcur. C'est le schéma classique sauf que je ne l'ai pas du tout supporté. -Quelles conséquences avez-vous eues? -J'avais beaucoup d'effets secondaires, des nausées, des douleurs pelviennes très fortes. Parfois, je marchais dans la rue et d'un coup, il fallait que je m'arrête. Des gros saignements. -Ca a été efficace sur votre pilosité? -Pas vraiment malheureusement. Un jour, j'ai reçu un appel où l'on m'a dit d'arrêter tout de suite mon traitement. Comme je ne le supportais pas de base, je risquais d'autant plus de faire une hémorragie interne. J'ai dû après faire une IRM cérébrale pour vérifier que je n'avais pas de tumeur. -Double peine pour ceux qui ont suivi ce traitement. J'imagine en plus ceux pour qui ça a marché, de se dire qu'il fallait arrêter alors que ça a été une lumière au bout du tunnel. Je comprends que ce soit déprimant au 1er sens du terme. -Quand on entend votre histoire, on se dit qu'on a tellement envie d'intervenir à tout moment, même plus tôt. On sait qu'on peut vous améliorer en quelques séances. On ne commence pas très jeune car on attend, en tout cas pour la pilosité, que les poils se transforment en poils terminaux. On ne traite pas les poils de duvet mais quand il y a un retentissement psychologique important, on le fait quand même sur la lèvre et le menton, où il n'y a quasiment pas de risque de repousse. -Car on vous a dit de ne pas le toucher? -Oui. De mes 18 ans où j'ai consulté le 1er médecin jusqu'au moment où je suis passée dans un centre accompagnée d'endocrinologues, comme ils n'arrivaient pas à poser de diagnostic, on m'a diagnostiqué plusieurs choses avant d'arriver à cette conclusion, ils ne savaient pas les conséquences. Un jour, j'ai dit que je m'en fichais. -On vous disait de ne pas y toucher. -Oui. On me laissait vivre avec littéralement une barbe. Pour moi, la période du covid a été géniale. Je restais enfermée chez moi et quand je sortais, j'avais un masque qui permettait de cacher ça. -Vous avez aussi perdu beaucoup de poids, quand je vois les photos. Comment avez-vous fait? -Oui. J'ai été prise en charge par l'hôpital de Lyon Sud. Avec le SOPK, on développe de l'insulinorésistance avec diabète de type 2, ce qui fait que peu importe ce que je mangeais, même si mon hygiène de vie était bonne, je stockais. J'ai pris beaucoup de poids, je suis arrivée à 125 kg, ce qui n'arrange en rien pour les hormones. Un jour, un médecin m'a dit qu'il n'avait pas de solution pour moi, et un peu sur le ton de l'humour, "il faudrait arrêter de manger". -Je suis accablée. -Je suis ressortie de là-bas, j'avais rendez-vous 3 mois après, j'ai réfléchi et quelqu'un a parlé autour de moi d'une sleeve. Je me dis "ce n'est pas possible, je n'en suis pas à là quand même?" J'avais tellement pris de poids en peu de temps qu'on n'a même pas le temps de comprendre. Je ne me voyais pas obèse comme ça. Avec le sport que je faisais avant, le ski, je ne comprenais pas ce qui m'arrivait. Un jour, j'ai compris que je faisais une taille 52, 125 kg et que j'étais en obésité morbide. La sleeve était aussi là pour moi. -Je suis assez accablée du non-cadre psychologique dont vous avez souffert et qui vous a souvent fait basculer dans une dépression ou un désespoir qui va bien au-delà de la souffrance physique, des contraintes physiques que votre pathologie impliquait. -Il y a encore un vrai chemin à faire pour une prise en charge pluridisciplinaire où l'ensemble des corps médicaux se relient pour pouvoir accompagner. Quand vous allez dans des institutions, le patient est pris en charge sous cette dimension pluridisciplinaire mais dès qu'on sort dans un accompagnement en ville, souvent, le lien n'est pas fait. On vous donne une liste de psychologues que vous pouvez consulter et c'est vous qui devez choisir. Il n'y a pas ce soutien. Il y a un vrai chemin encore à faire à cet endroit. -C'est capital de travailler ensemble. Je prends en charge toutes ces femmes en lien avec un endocrino, on sait exactement comment ça va se passer. Au niveau psychologique, il y a aussi une prise en charge en parallèle. C'est obligatoirement multidisciplinaire. -Vous avez perdu combien de kilos après cette sleeve? -50 kg. -Vous vous êtes sentie mieux après? Pas tant! -C'est toujours le problème avec la sleeve. J'étais un peu cachée dans ce poids. Avec les poils et le poids, je n'avais plus rien à perdre. J'étais presque dans une zone de confort, "foutue pour foutue"... Après, la perte de poids a amené cet espoir des médecins que mes taux d'hormones redeviennent normaux et que mes poils puissent tomber. C'était un peu la carotte. -Ca a été le cas? Vous avez perdu vos poils? -Pas du tout. Ca a été un peu la déception. Même les médecins ne savaient pas, ils ne pouvaient pas me garantir. Aujourd'hui, j'ai du poids en moins, mais on vit avec d'autres choses après une sleeve. Pour ce qui est de la pilosité, ça n'a rien changé. On a souvent des séances post-sleeve pour vérifier que tout se passe bien, même psychologiquement. Je leur dis que je me sens bien mais que les poils, je n'en peux plus. -Il faut absolument que vous fassiez du laser. Ca va améliorer les boutons et les poils en 2 ou 3 séances. Déjà, c'est magnifique d'avoir perdu 50 kg pour vous sentir mieux mais... -Vous n'avez pas été en colère après cette sleeve, quand vous avez constaté que ça ne changeait rien sur vos poils? Jusque-là, vous n'aviez jamais essayé de les retirer. -Jamais. Sur la photo qu'on a vue tout à l'heure, j'avais déjà perdu du poids et je perdais beaucoup de cheveux. Je me faisais des carrés et ça faisait vraiment ressortir les poils. Je leur ai dit qu'ils ne pouvaient pas me laisser comme ça maintenant. Ils me disaient: "On n'a pas de solution, on a trop peur du laser pour la repousse." -Il faut aller voir des gens qui connaissent. -C'étaient des endocrino, qui ne sont pas forcément dermato. -Qu'avez-vous fait? -Je suis allée chez l'esthéticienne. Je lui ai dit "épile tout". -Vous étiez énervée. -C'était génial. Je touchais sans cesse mon visage. -Ca a duré combien de temps? -A l'époque, j'habitais à Paris, avec la vie, je n'avais plus trop le temps d'y aller donc je me suis acheté mon propre matériel. Je m'épile encore actuellement. Je me suis épilée hier soir. -Vous êtes obligée de le faire à quelle fréquence? -Toutes les 3 semaines, il faut le temps que le poil repousse, et il faut que j'attende. -Donc la dernière semaine est un peu compliquée. -Oui. J'ai une longueur de poil de quelques millimètres. Comme un homme avec une barbe de 3 ou 4 jours, ce sont des poils très noirs et très durs. -Vous vivez mal cette période? -Ce n'est pas évident. Je suis encore étudiante donc quand je vais à l'école, je fais en sorte que ça ne tombe pas sur la semaine de cours. -Quelle planification de vie. -Et au quotidien aussi, dans mon travail, car je suis en alternance en événementiel sportif, quand je pars 2 semaines ou un mois, je dois tout emmener pour pouvoir m'épiler. -C'est une contrainte et une charge mentale au quotidien. C'est un sujet dans votre vie. -Oui. -Vous avez quelqu'un dans votre vie?

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